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Le regard d'Elisabeth Lévy - "Ascenseur social en panne et victoire de l'ignorance"

L'Ecole Nationale d'Administration, parmi d'autres prestigieuses écoles de fonction publique, facilitera désormais l'accès aux candidats issus des classes populaires. Comme si l'ascenseur social débutait à vingt ans et que le problème n'était pas plus profond. Voici les raisons de l'absence d'égalité des chances, celles qu'on tait ou qu'on chuchote.

Tous les matins à 8h15, le regard libre d'Elisabeth Lévy dans le Grand Matin Sud Radio.

Le gouvernement veut améliorer la diversité sociale dans les concours administratifs.

Pour entrer dans la haute fonction publique, vous avez déjà le choix entre plusieurs concours : externe pour les étudiants, interne pour les fonctionnaires, et parfois une troisième voie accessible après une expérience professionnelle.
Il y aura désormais des concours « pauvres ». Amélie de Montchalin, ministre de la Fonction publique l’annonce dans Le Monde : il y aura des voies d’accès spécifiques avec places réservées aux candidats issus des classes populaires. Ceci sera expérimenté à la rentrée 2021 pour l’ENA, l’ENM et le concours des directeurs d’hôpital, commissaires, attachés d’administration…

Objectif louable, non ?

La proportion d’enfants des milieux populaires dans les études supérieures et dans les concours de la fonction publique n’a cessé de baisser depuis les années 70, c’est indéniable. Comme un symbole de la faillite de la méritocratie, donc du modèle républicain dont le concours est l’instrument privilégié.
L’ENA, dans les années 50/60, comprenait 45 % d’enfants de cadres ou de profession dites supérieures et 76 % aujourd’hui. Il reste donc 10 % d’enfants d’artisans et d’agriculteurs et 6 % enfants d'ouvriers et d'employés. L’égalité des chances est une chimère. Et l’ascenseur social est désespérément bloqué.
Vous saluez donc l’initiative ?
Voici un nouvel exemple du paternalisme, ajouté au mépris de classe. Et un aveu d’impuissance. Les enfants de pauvres seraient incapables d’atteindre le même niveau que ceux de la bourgeoisie. Il leur faudrait un concours adapté à leurs capacités et surtout à leur culture. À Sciences Po, ils ont carrément supprimé le concours. Dans certains concours, on assiste à la disparition de la culture générale. Plus besoin de la princesse de Clèves.

Que faut-il faire ?
Au lieu de créer des concours au rabais, il faut amener tout le monde sur la ligne de départ. Le désastre commence au primaire. On n’apprend pas à travailler, à étudier et à penser à 20 ans. Somme toute, repérons les enfants doués très tôt au lieu de les brimer. Rappelons que les internats d’excellence ont été supprimés par la gauche. Aujourd’hui, Albert Camus serait chauffeur Uber ou chômeur.
Généralisons également les dispositifs permettant de compenser les inégalités culturelles. Comme les prépas des grandes écoles pour les boursiers. Cependant, il ne pas se faire d’illusions sur la culture des nantis. Chez nombre de candidats, tout se limite à bachoter des plans tout faits et à apprendre des citations. Au nom de ses bonnes intentions égalitaires, l’Education Nationale a baissé le niveau d’exigence pour tous, riches et pauvres. La seule chose qui se soit démocratisée, c’est l’ignorance.

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