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Didier Lemaire : "Je constate que la République a failli à Trappes"

Ce professeur a été placé sous protection policière à Trappes après des menaces. Didier Lemaire, professeur de philosophie à Trappes (Yvelines), était l’invité de Patrick Roger le 8 février dans l’émission "C’est à la une" sur Sud Radio, à retrouver du lundi au vendredi à 8h10.

Didier Lemaire, professeur de philosophie à Trappes (Yvelines), interviewé par Patrick Roger sur Sud Radio, à 8h10, dans "C'est à la une".

Didier Lemaire est professeur de philosophie à Trappes (Yvelines) depuis vingt ans. Dans son lycée, il alerte quant à la montée d’un radicalisme islamiste. Lui qui avait écrit après la mort de Samuel Paty, a-t-il peur, aujourd’hui, et envie de jeter l’éponge ?

Plus je m’expose, plus ma sécurité est en jeu

"Je n’ai pas peur, n’ai pas envie non plus de jeter l’éponge, confie l’enseignant sur l’antenne de Sud Radio. Je suis passionné par mon métier. J’aime enseigner la philosophie à Trappes. Mais je crois que je suis contraint de jeter l’éponge. Au retour des vacances, des élèves m’ont demandé pourquoi j’avais écrit un texte contre eux. Je leur ai dit que j’avais écrit un texte pour eux. Mais je souhaitais garder mon espace de liberté pédagogique et n’ai pas envie de donner de suites à des explications de texte."

"Suite à cette lettre dans l’Obs, des propos calomnieux, des menaces ont circulé dans la ville. Maintenant, je ne suis plus en sécurité", estime-t-il. Lui qui va l’école sous escorte policière, va-t-il continuer à faire partie de l’Éducation nationale ? "Plus je m’expose, plus ma sécurité est en jeu. Cela me semble vraiment très difficile. Je pars vraiment à regret. J’aimerais finir mon année bien protégé, mais il semble que même cela va être difficile. Je constate que la République a failli à Trappes. Il faut bien l’admettre aujourd’hui."

"Je suis un professeur républicain, démocrate"

"Dans l’établissement, quelques collègues, surveillants, n’ont pas non plus compris ce texte, juge Didier Lemaire. Ils ont pensé que je stigmatisais une population, que j’étais raciste, que mes propos pouvaient être haineux. Sur les réseaux sociaux, la lettre a beaucoup circulé. Je suis un professeur républicain, démocrate et je ne souhaite être récupéré par aucun parti politique." Dans les établissements scolaires aujourd’hui, "il y a des atteintes à la laïcité qui ne sont pas simplement des actes individuels, mais des actes de pression, répétés, collectifs. Par exemple, en début d’année, dans une classe, l’ensemble des filles refusent une sortie scolaire sous le prétexte qu’elles seront filmées sans leur voile. C’est cette transformation à l’intérieur même de l’école qui empiète sur notre liberté pédagogique et crée une tension permanente pour les enseignants."

Qu’est-ce qui a vraiment changé ? "Il y a encore deux ans, mes élèves pouvaient exprimer une critique de la laïcité, me dire que c’était contre les musulmans. Je pouvais avoir une discussion sur le voile, les élèves réfléchissaient, souvent changeant de position avec le temps. Aujourd’hui, j’observe beaucoup de silence, de non-dits et une difficulté même à avoir un lien avec certains élèves. Les élèves musulmans qui pratiquent leur religion de façon modérée, comme une spiritualité, aujourd’hui sont en minorité et subissent une pression très forte, de la part des salafistes, y compris dans les salles de classe. J’ai une élève qui refuse de se voiler, qui considère que le voile n’est en rien une signe religieux. D’ailleurs, dans le Coran, il n’y a aucune obligation de le porter. C’est très difficile pour elle, le regard de ses camarades, les propos… Être une musulmane modérée devient difficile. Je constate que les maghrébins athées et les musulmans modérés sont en train de quitter la ville."

Il y a une peur de la part des enseignants

"J’ai alerté le président de la République il y a deux ans, souligne ce professeur de philosophie. À l’intérieur des établissements, je constate que les atteintes à la laïcité, individuelles ou collectives, ne donnent lieu à aucune manifestation sérieuse de rappel à la loi. À chaque fois, c‘est une négociation individuelle, comme un problème psychologique entre élève et enseignant, alors que c’est une menace qui pèse sur les enseignants." Que disent ses collègues ? "Certains le voient de la même manière, mais la plupart ont une façon de ne pas voir ou de ne pas considérer que ces choses sont importantes. Ils font passer cela sur un plan secondaire, disent que ce n’est pas si grave que cela au fond. Ils ferment les yeux. Il y a une peur de la part des enseignants, c’est certain."

"Je pense qu’il est temps que le corps enseignant se lève, cesse de garder le silence et ait un peu plus de courage, estime Didier Lemaire. Quand on voit qu’un enseignant sur deux s’auto-censure en classe, c’est vraiment gravissime. Je demande des mesures d’urgence très concrètes, très simples, pour soulager la pression. Qu’il y ait dans chaque rectorat une cellule réunissant les renseignements territoriaux et un chargé de mission à la sécurité du rectorat, de façon à ce que les chefs d’établissement soient informés que, dans leur école, des élèves sont susceptibles d’avoir des parents fichés S pour islamisme. Il faudrait prendre des mesures pour les éloigner et ne pas scolariser leurs enfants. La question de l’autorité parentale est posée. Une atteinte à la laïcité dans un établissement scolaire devrait valoir un déplacement des élèves et, si récidive, une perte d’autorité parentale. La République vient alors protéger la liberté de conscience et empêche le parent d’exercer une violence sur l’enfant et sur l’établissement scolaire."

Cliquez ici pour écouter "C'est à la une" avec Patrick Roger

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