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Christian Constant : "Un plaisir de bien faire à manger pour les gens"

Par La Rédaction

Le chef cuisinier Christian Constant revient, au micro de Christine Bouillot, sur son année 2015 et son amour de la cuisine.

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Christine Bouillot : Vous êtes à la tête de 6 restaurants, à Paris et en province, à Toulouse et dans le Tarn-et-Garonne, est-ce que vous allez vous arrêter là ?Christian Constant : Pas dit. Vous savez, il y a sept jours dans la semaine et il me reste encore une journée. Peut-être que le prochain projet serait de faire un petit hôtel à côté du bistrot Constant à Montech, car il y a 6000 habitants à Montech et pas un hôtel. Ça serait bien d'avoir ce petit hôtel de charme à côté.Qu'est-ce qui vous fait avancer ?Peut-être que c'est mon tempérament. J'ai commencé à l'âge de 14 ans et j'ai envie de transmettre, d'aider les gens. Et j'ai la chance de ne pas être malade, donc j'ai envie de travailler. C'est ça, le plaisir de donner aux gens, de bien faire à manger, de satisfaire les clients qui viennent.Tout humain a envie de bien faire à manger mais qu'est-ce qui fait que le gamin de 14 ans, dans les rues de Montauban, qui visiblement, n'est pas très bon à l'école, se dit "Je vais être cuistot" ?A l'époque, mon père était adjudant de gendarmerie et il m'a laissé le choix entre la cuisine et le rugby. Je ne travaillais pas très bien à l'école et j'étais pas mal au rugby, on a été champions des Pyrénées, champions du Tarn-et-Garonne en tant que cadets. Ça aide. Le rugby, ça forme et je m'en suis servi, après, dans mon métier, pour diriger, pour la rigueur, pour le respect des gens, des choses.A l'âge de 14 ans, pourquoi je fais de la cuisine ? Parce que j'étais passionné, j'étais manuel. J'avais la chance d'avoir une maman, qui est encore en vie, qui a 95 ans et qui faisait de la bonne cuisine. Quand je rentrais à la maison, ça sentait bon, ça me donnait envie. Je savais que j'allais être manuel, parce que quand je rentrais l'après-midi, elle nous faisait à goûter, elle nous faisait du riz au lait, je trempais mon doigt dedans. Cette idée de faire ce métier est venue un peu comme ça.J'avais un grand-père qui travaillait aux ponts-et-chaussées. Il m'emmenait dans sa voiture, il faisait les commerçants, on allait acheter des tranches de foies de veau épaisses, je me rappelle qu'on passait derrière pour voir le boucher et il choisissait ses morceaux.L'après-midi, quelques fois, il avait une petite verrière et il me faisait goûter des croutons de pain avec de l'huile d'olive. Tout ça m'a donné envie de choisir et de faire ce métier.

"Il ne faut pas oublier sa nature"

Vous dîtes souvent qu'il ne faut jamais oublier d'où on vient. Pourquoi ?Parce que je sais que je viens d'un endroit un peu spécial, où on a travaillé dans une gendarmerie où il y avait de la rigueur, du respect. Il ne faut pas oublier sa nature. Je me souviens, il fallait partager à la maison. Je couchais dans un lit avec mon frère, c'était petit. On était cinq de famille, donc je pense qu'on ne gaspillait pas.C'est pour ça que je dis souvent que je sais d'où je viens et je veux que les autres s'en souviennent et pas être malheureux. C'est pas parce qu'on n'a pas trop d'argent qu'on ne peut pas réussir dans la vie.Est-ce que vous avez le souvenir de ce moment où vous voyez, dans le regard de vos clients, ce plaisir que vous leur offrez avec le travail que vous avez fourni en cuisine ? C'est le top des restaurants, les gens qui y vont vont dans tous les bons restaurants, parce que c'est l'élite. Comment on arrive à percevoir malgré tout, chez eux, ce plaisir qu'on leur offre ?C'est justement quand je vais faire un tour en salle. C'était un plaisir. J'avais 45 ans, je voulais savoir ce que le client ressentait. C'était aussi bien des ministres, que des chefs d'Etats ou des gens de bureau.Avec leur contact, je prenais connaissance de ce qu'ils avaient eu à manger, s'ils l'avaient apprécié ou s'il y avait quelques petites erreurs et au retour, quand je revenais dans ma cuisine, je transmettais et je disais aux personnes qui travaillaient avec moi ce qui s'était passé. Ensemble, parce que tout seul un chef n'est rien, on reconstruisait et on repartait.C'est ça aussi le plaisir. C'est l'écoute du client et, derrière, de revenir et de le commenter.

"Si on a peur de la mort, c'est parce qu'on aime la vie"

L'actualité était lourde cette année 2015. Il y a eu ces attentats à Paris, vous connaissiez l'une des victimes des attentats du 7 janvier, Charb, qui était un de vos clients. Comment on arrive à comprendre cette folie quand on est, comme vous, à vouloir offrir, sans arrêt, du plaisir aux gens et de voir tous ces drames, ces pleurs ?Bien sûr ce n'est pas facile, mais je crois qu'il faudra vivre avec ces barbares, ces fous. Je pense qu'il faut oublier un peu, malheureusement, ce qui s'est passé. On n'oubliera pas ces gens-là parce que c'est dramatique ce qu'ils ont fait. Ils ont tué des gens comme des chiens, c'est inacceptable. Mais il faudra vivre avec ça et il faut, malheureusement, oublier ces gens-là mais pas les gens qui ont subi.On est toujours près d'eux et on s'en souviendra toujours. Ce sera marqué à vie pour nous. Mais il faut passer à autre chose. On aime la vie, on est cuisiniers, on est restaurateurs, on aime la vie, on a envie de se faire plaisir. Justement, si on a peur de la mort, c'est parce qu'on aime la vie, c'est tout.Aujourd'hui, ce qui est devenu un symbole de résistance, ce sont ces images, ces photos, ces dessins, qu'on voit partout de gens qui disent "Je suis en terrasse, je mange en terrasse, je bois un coup en terrasse"...Ça fait du bien d'avoir des gens qui montrent qu'on peut arriver à surmonter ces moments-là. On est là pour ça et pour donner envie aux gens. Je pense qu'il faut sortir au contraire, montrer qu'on n'a pas peur et qu'on est là pour se faire plaisir aussi.Parce que vous l'avez vu, inévitablement, comme tous vos collègues, cette baisse de fréquentation. Bien sûr. Moi, en étant juste à côté de la Tour Eiffel, on l'a ressenti tout de suite. On a beaucoup moins d'étranger. Mais ce qu'il y a de bien, c'est que les Parisiens sortent, sont solidaires. C'est important.Que peut-on vous souhaiter pour cette année 2016 ?La santé, ce qui est important. Et après, la réussite. Je pense que j'en ai eu un petit peu. Et peut-être cet hôtel à Montech. Et que la vie soit belle, qu'il n'y ait pas que des mauvais moments. On est là pour se faire plaisir, quand on va au restaurant, qu'on ait bien à manger et que ce soit convivial.

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