single.php

Chez Goujon, trois étoiles au Michelin, la transmission avant la passation

S'il reste au sommet de la gastronomie française depuis quinze ans, Gilles Goujon, trois étoiles brodées sur sa veste de chef, s'appuie de plus en plus sur ses fils Enzo et Axel amenés à reprendre le flambeau.

Valentine CHAPUIS - AFP

S'il reste au sommet de la gastronomie française depuis quinze ans, Gilles Goujon, trois étoiles brodées sur sa veste de chef, s'appuie de plus en plus sur ses fils Enzo et Axel amenés à reprendre le flambeau.

A la veille d'une intervention chirurgicale, ses yeux pétillent, rougissent et s'embuent quand le chef de 63 ans évoque l'avenir de l'Auberge du Vieux Puits, dans l'Aude, réputée pour son spectacle gustatif, olfactif, et pour "l'oeuf pourri aux truffes", son plat signature.

"Pouvoir transmettre, c'est fantastique, c'est dans l'ADN du chef. Transmettre à ses enfants, il n'y a pas de plus belle satisfaction", confie-t-il après le service, installé dans un fauteuil près du vieux puits en pierre.

Ouvert en 1992, l'établissement attire une clientèle du monde entier à Fontjoncouse, commune viticole de 150 habitants, au coeur des Corbières.

- "Dans quatre ou cinq ans" -

Le chef triplement étoilé Gilles Goujon, 63 ans (à droite), s'entretient avec le second chef français Paul Rey (à gauche) dans la cuisine de son restaurant "Auberge du Vieux Puits" à Fontjoncouse (Aude) le 25 avril 2025

Valentine CHAPUIS - AFP

"A un moment donné, je vais me retirer, il va y avoir une passation", se projette-t-il. "Dans quatre ou cinq ans. Ou avant. Tout en restant là. Ils ont encore des choses à apprendre, mais je les sens prêts à reprendre le flambeau, avec Paul".

Paul Rey, c'est "le troisième fils", ami inséparable d'Enzo. Les deux gamins ont eu la même nounou, ont grandi ensemble à Fontjoncouse. Les deux amis d'enfance copilotent la cuisine, alors qu'Axel Goujon, 25 ans, se distingue, en virtuose des desserts.

Le chef pâtissier de l'Auberge a décroché en 2025 le Prix Passion Dessert du Michelin pour sa marquise au chocolat Maracaïbo et fruits de la passion.

Dans cette profession qui chérit la transmission des connaissances, nombre de chefs formés à l'Auberge ont connu un destin étoilé.

- Le soldat Kei -

Le plus célèbre d'entre eux est Kei Kobayashi, premier chef japonais à décrocher le graal en France. "On a pleuré, dans les bras l'un de l'autre, quand il a obtenu la 3e étoile", se souvient l'aubergiste des Corbières.

Dans l'art de la transmission, la famille Marcon fait figure de modèle pour Gilles Goujon. En Haute-Loire, Régis Marcon est à la baguette du restaurant éponyme, 3 étoiles depuis 2005, avec son fils aîné Jacques et son cadet, Paul, vainqueur du Bocuse d'Or en janvier.

Le chef audois, fils d'un pilote de chasse mort quand il avait 10 ans, n'a pas reçu lui-même la cuisine en héritage. "Mon père voulait être cuisinier, mais sa famille l'en a empêché", dit-il. Sa mère a attendu qu'il soit distingué "meilleur apprenti" à l'âge de 16 ans, pour le lui révéler.

"Ça a décuplé mon envie d'être chef", dit Gilles Goujon en observant son fils Enzo, bientôt 29 ans, préparer des morilles fourrées d'une mousseline de crustacés.

- "Pas de fils à papa" -

Le chef pâtissier français Axel Goujon pose une perle remplie de fumée de hêtre sur une huître au restaurant "Auberge du Vieux Puits"à Fontjoncouse, dans le sud-ouest de la France, le 25 avril 2025

Valentine CHAPUIS - AFP

A chaque entrée en cuisine, un "bonjour chef" retentit. Y compris de ses fils, car "il n'y a pas de fils à papa" dans ce métier. Tous sont logés à la même enseigne.

Les trois macarons 2025 ont un parfum particulier. Cette 16e consécration consécutive intervient après un AVC du patriarche qui a propulsé Enzo et Axel sur le devant de la scène, durant la convalescence.

"C'est un moment d'émerveillement, que les enfants écoutent et reproduisent... en mieux", se délecte Gilles Goujon, également propriétaire avec eux de l'Alter Native, créé en 2021 à Béziers et déjà une étoile au Michelin.

Il est avec ses fils, comme un père qui a été privé du sien "trop tôt". Un "patriarche autoritaire, aimant, proche de mes petits", dit-il. "Ils ont besoin de moi, j'ai besoin d'eux".

Une des dernières recettes, le turbot cuit à la cire, c'est Enzo qui l'a finalisée.

"Je suis né dans une casserole! Et j'ai des photos pour le prouver", se justifie Enzo, l'aîné, qui a "élargi ses connaissances" dans les cuisines du Restaurant Marcon, d'Arnaud Donckele à Saint-Tropez et de Paul Pairet à Shanghaï.

"C'est notre vie, on s'éclate à venir travailler le matin. On prépare cette passation, ça se fera un jour (...) on mettra notre empreinte et on essaiera de faire mieux", plaisante-t-il.

"En sortant de l'école, si je voulais voir mes parents, c'était au restaurant. J'observais, hypnotisé, ça a débouché sur une passion", poursuit le cadet.

Comme son père, il dessine les desserts qu'il crée et rêve de recettes la nuit.

Par Alexandre PEYRILLE / Fontjoncouse (France) (AFP) / © 2025 AFP

L'info en continu
17H
15H
14H
13H
12H
11H
10H
08H
03H
01H
00H
23H
21H
20H
Revenir
au direct

À Suivre
/