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Laurent Mauduit - SNCF: les conséquences de plusieurs années de guerre sociale

Editorial politique de Laurent Mauduit, cofondateur de Médiapart

 

 

La grève à la SNCF est en train de s’achever, avec un trafic quasi normal ce matin mais , Laurent, vous souhaitez y revenir car vous estimez que le gouvernement n’a pas tiré les bons enseignements de ce conflit.

Exactement ! Parce que ce conflit social invite à deux débats. Il y a d’abord un débat juridique : est-ce que les cheminots étaient fondés à arguer de leur droit de retrait ? Ou bien, s’agissait-il d’un usage abusif de ce droit de retrait, et donc d’un détournement du droit de grève. Alors sur ce point, laissons la justice trancher. Mais vous avez observé Patrick, que le premier ministre s’est sans doute avancé un peu vite en dénonçant une grève sauvage, car dans la communauté des juristes, il n’y a pas d’avis dominants. Il y a des juristes pour lesquels le droit de retrait était légitime.

Et puis, le second enseignement que vous évoquez, quel est-il ?

C’est que dans tous les cas de figure, le gouvernement, en s’en tenant à une ligne dure contre les grévistes, en les menaçant de sanctions, ne voit pas l’exaspération qui monte. A la SNCF, mais aussi dans de nombreuses couches sociales du pays. Car ce conflit à la SNCF, tout le monde sait qu’il a été spontané. Il y a eu une étincelle : cet accident ferroviaire dans les Ardennes. Et ensuite, le mouvement de colère s’est propagé, sans que les syndicats ne l’organisent. Et cela pour mille raisons. A cause du manque d’effectifs. A cause du changement de statut décidé l’an dernier, et que les cheminots ont toujours en travers de la gorge. A cause de l’ouverture à la concurrence. A cause de la privatisation qui est sur les rails. A cause de la réforme des retraites…

Mais il y a des instances sociales pour discuter de tout cela ? Cela ne justifiait pas une grève sauvage…

Eh non ! Il n’y a pas d’instance sociale. Et, c’est cela le fond du problème, pas seulement à la SNCF. Il fut un temps, en France, où il y avait comme le disait autrefois André Bergeron, du « grain à moudre ». Où il y avait des négociations de branches. Ou il y avait ce que l’on appelait une politique contractuelle. Mais tout cela, c’est fini. Il n’y a plus que la politique du passage en force. Allez vous étonnez ensuite, que le syndicats soient faibles – on a tout fait depuis 30 ans pour qu’il en soit ainsi. Allez-vous étonnez ensuite que les conflits soient spontanés et imprévisibles ! Ou qu’ils prennent des formes imprévisibles, comme le mouvement des gilets jaunes.

Tout cela était tristement prévisible. Plutôt que la concertation et la paix sociale, gauche et droite confondues ont fait depuis trop longtemps le choix de la guerre sociale. Le choix de l’affrontement. On en paie aujourd’hui le prix.

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