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Institutions, état d'urgence : ce qu'il faut retenir du discours de Macron devant le Congrès

Par Benjamin Rieth avec AFP

Le président Emmanuel Macron a prononcé lundi un discours de 1h30 devant les députés et les sénateurs réunis en Congrès à Versailles. Le chef de l’État veut changer en profondeur les institutions et a promis de revenir rendre compte au Congrès chaque année.

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Emmanuel Macron a commencé à s’exprimer devant le Congrès vers 15 heures pour un discours d’une heure environ. Devant les députés et les sénateurs réunis en Congrès à Versailles, le chef de l’État a d’abord dit vouloir "changer" les institutions. Emmanuel Macron a ainsi affiché sa volonté de "transformation résolue et profonde tranchant avec les années immobiles et les années agitées". Il a également jugé que les Français avaient exprimé lors des élections la "volonté d'une alternance profonde".

Des changements institutionnels profonds

Cette transformation doit notamment passer par une "réduction d’un tiers" du nombre de députés et de sénateurs, selon Emmanuel Macron qui l’avait déjà annoncé lors de sa campagne. "Un Parlement moins nombreux, mais renforcé dans ses moyens, c'est un Parlement où le travail devient plus fluide, où les parlementaires peuvent s'entourer de collaborateurs mieux formés et plus nombreux. C'est un Parlement qui travaille mieux", a-t-il justifié. Le président de la République a également proposé qu'une "dose de proportionnelle" soit introduite pour la future élection du Parlement afin que "toutes les sensibilités y soient justement représentées". "La représentativité reste un combat inachevé dans notre pays. Je souhaite le mener avec vous résolument", a-t-il détaillé.

Le chef de l’État veut aussi "mettre un terme à la prolifération législative" et souhaite que les "textes importants" puissent faire l'objet d'une "évaluation" deux ans après leur mise en application. "Je crains moi-même dans une vie antérieure d'y avoir participé", a-t-il reconnu. Insistant sur l'importance pour le Parlement de "réserver de (son) temps au contrôle et à l'évaluation", il souhaite une "évaluation complète", notamment des textes "sur le dialogue social" ou "encore sur la lutte contre le terrorisme" dans les deux ans de leur mise en application.

L'état d'urgence levé dès l'automne

Parmi les autres institutions qu'Emmanuel Macron veut bousculer, se trouvent la Cour de justice de la République ainsi que le Conseil économique et social. La première pourrait être supprimée, le chef de l'État estimant que "les ministres doivent devenir comptables des actes accomplis dans leurs fonctions ordinaires""Il faudra trouver la bonne organisation mais nos concitoyens ne comprennent plus pourquoi seuls les ministres pourraient encore disposer d'une juridiction d'exception", a ajouté le président. Quant au Conseil économique et social, Emmanuel Macron souhaite qu'il soit réformer pour qu'il redevienne un "trait d'union" entre la société civile et les instances politiques. Le nombre de ses membres pourrait, là aussi, être réduit d'un tiers tandis que les règles de représentativité seraient revues. 

"C’est un changement profond des pratiques et des règles que j’appelle de mes vœux, a poursuivi Emmanuel Macron. Je demanderai à Mme la Garde des Sceaux et aux ministres compétents, ainsi qu’au présidents des deux chambres, de me faire pour l’automne des propositions concrètes permettant d’atteindre ces objectifs."

Au total, Emmanuel Macron se donne un an pour "parachever" les réformes des institutions. Le président n’exclut pas d’ailleurs de recourir au référendum pour y parvenir. 

Autre annonce marquante, lors du discours d'Emmanuel Macron devant le Congrès réuni à Versailles, la levée de l'État d'urgence "à l'automne", en vigueur depuis les attentats de novembre 2015. "Je rétablirai les libertés des Français en levant l'état d'urgence à l'automne, parce que ces libertés sont la condition de l'existence d'une démocratie forte", a déclaré le chef de l'État. Dans le même temps, Emmanuel Macron a promis des "mesures renforcées" pour la lutte antiterroriste, qui seront placées "sous la surveillance du juge judiciaire", répondant ainsi à une demande de nombreux défenseurs des libertés inquiets des pouvoirs accrus de la justice administrative.

Un cap pour les réformes économiques et sociales

Sans entrer dans le détail, tâche qu'il laisse à Édouard Philippe et son discours de politique générale prévu mardi, le chef de l'État a fixé les grandes lignes qui guideront l'action de l'exécutif.

"Trop de nos concitoyens aujourd’hui se sentent prisonniers de leurs origines sociales, des trajectoires qu’ils subissent. L’isolement, l’enclavement assignent à résidence une partie de nos compatriotes. Ce combat pour les mobilités, pour les accès, pour que nul de nos concitoyens ne soit exclu des voies du progrès, du droit de faire, d’essayer, pour échouer peut-être, ou pour réussir. C’est le combat de notre mobilité économique et social, pour tous nos concitoyens, quel que soit leur quartier, leur prénom, leur origine, pour l’égalité pleine entre les femmes et les hommes. La liberté forte, c’est celle de choisir sa vie. La liberté réconcilie la justice et l’efficacité. La liberté de faire et l’égalité vraie. La liberté de se tromper, d’essayer encore. C’est tout le sens des transformations économiques et sociales profondes que le gouvernement aura à conduire dans les prochains mois", a lancé Emmanuel Macron.

"Substituer à l’idée d’aide sociale une vraie politique de l’inclusion de tous"

Le président de la République a repris, sans la citer, la notion de fracture sociale utilisée en son temps par Jacques Chirac.

"Notre peuple est indivisible, précisément parce que ce qui le tient est plus fort que de simples règles. C’est un engagement chaque jour répété. L’un des drames de notre pays est que cet engagement est impossible pour ceux que les dysfonctionnements de notre système sclérosé rejette à ses marges. Il nous reviendra de prendre la vraie mesure de cette question, de redéfinir nos moyens d’action, en associant l’état, les CT, les associations, toutes les entités, privées ou publiques, qui œuvrent à l’intérêt général et pour la dignité des personnes. Nous devons substituer à l’idée d’aide sociale une vraie politique de l’inclusion de tous."

À l'international, "construire la paix"

"Ce monde dans lequel nous dessinons un chemin pour la France est dangereux. Notre environnement se caractérise par l’accumulation des menaces. C’est l’ombre de la guerre qui se profile à chaque crise. La déflagration mondiale est, pour les réalistes, une menace sérieuse", a indiqué Emmanuel Macron, dressant un portrait peu reluisant de la situation internationale. 

"Il ne s’agit pas de l’appréhender avec un pessimisme défait, a-t-il poursuivi. Cela nous impose des devoirs, celui de maintenir ouverte, partout, la voie de la négociation, du dialogue, de la paix, face aux entreprises les plus cyniques. La vocation de la France, sa fidélité à son histoire, c’est défendre la paix. Nous devons protéger nos intérêts et notre sécurité. C’est ce qui m’a conduit à confirmer notre engagement au Sahel. Je sais l’engagement de nos forces armées, chaque jour, depuis tant de mois. Une telle action ne peut être efficace que si elle s’inscrit dans la durée et vise à construire les solutions politiques permettant une sortie de crise. Il faut donc parler à toutes les puissances, y compris celles qui ne partagent pas nos valeurs pour trouver une issue et la construire. Partout, nous œuvrerons afin d’aider les minorités, de travailler au respect des droits. Cela suppose un travail exigeant, parfois long et ingrat, qui impose de replacer la France au cœur du dialogue entre les nations. C’est ce que je m’emploie à faire depuis plusieurs semaines, en échangeant en profondeur avec tous les dirigeants du monde. La France doit contribuer à bâtir ou rebâtir des équilibres multiples."

Une vision qui suppose un rôle capital pour l'armée : "Notre outil militaire, dans ce contexte, revêt une importance majeure. J’ai ordonné une revue de défense et de sécurité. Nos armées assureront les missions que je leur ai confiées. La prévention des crises et leur résolution sera gérée de manière globale. Nos forces armées sont les conditions de cette capacité de dialogue. Les menaces n’ont jamais été si grandes et l’ordre multilatéral est sans doute plus fragilisé, divisé, bousculé qu’il ne l’a jamais été. Le rôle de la France sera de défendre la sécurité, l’égalité face aux excès, les libertés, la planète face au réchauffement climatique. Tout ce qui constitue notre bien-commun universel et qui est remis en cause dans trop d’endroits."

"Il faut reprendre l'Europe à son début, à son origine même"

Emmanuel Macron a été tout aussi critique sur l'état actuel de l'Europe, mais n'a pas manqué de souligner l'importance du projet européen pour la France et la place qu'elle doit occuper dans sa refondation : "Nous avons besoin d’une Europe plus efficace et refondée. Or elle est affaiblie. Négliger l’Europe, s’habituer à en faire le coupable de tous nos maux, c’est trahir ces générations qui nous ont précédées, qui ont fait qu’aujourd’hui, nous pouvons librement débattre de l’Europe. Négliger l’Europe, n’en faire qu’un objet de négociation technique, c’est aussi diminuer la France. La construction européenne est fragilisée par la prolifération bureaucratique. Je ne trouve pas toujours ce scepticisme injustifié."

"Il revient à une génération nouvelle de dirigeants de reprendre l’idée de l’Europe à son origine, a poursuivi le président de la République. Une association d’États décidés à faire valoir des politiques utiles. Les pays de l’Europe, pour lesquels celle-ci ne se réduit pas au marché, doivent se ressaisir d’un projet décisif et s’organiser en conséquence, fut-ce au prix d’un examen sans complaisance de notre fonctionnement actuel. Il revient à la France de prendre l’initiative et je souhaite le faire dans les prochains mois. D’ici la fin de l’année, sur ces bases, partout en Europe, nous lancerons des conventions démocratiques pour refonder l’Europe sur ce projet politique premier, sur cette ambition première, qui unit les hommes. Libre à chacun, ensuite, d’y souscrire ou non. Le temps n’est plus aux raccommodages. Il faut reprendre l’Europe à son début, à son origine même."

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