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De Louis XIV à Emmanuel Macron, la grande tradition de la mise en scène du pouvoir

Emmanuel Macron s’est exprimé ce dimanche sur TF1 dans une longue interview s’inscrivant en droite ligne d’une tradition séculaire du pouvoir en France.

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C’est dans les années 1970 que Roger-Gérard Schwartzenberg, pressentant à quel point le développement des médias allait changer la politique, publiait un livre au titre prémonitoire : L’État spectacle. Naturellement, l’État se met en scène depuis toujours, des premiers rois de France jusqu’aux présidents de la Vème République. Tout chef de l’État est en représentation devant le peuple pour tisser ce lien mystérieux qui, autant par le sentiment que par la raison, permet d’apparaître comme l’incarnation de la nation et de donner au pouvoir une légitimité. Que fut d’ailleurs le règne de Louis XIV sinon, déjà, le sommet de la politique-spectacle et de la théâtralisation du pouvoir ?

De Gaulle, à sa manière – infiniment plus sobre que celle de Louis XIV –, a aussi mis en scène l’État gaullien. Il parlait d’ailleurs parfois de lui-même à la troisième personne et se présentait comme le Cincinnatus du 20ème siècle, du nom de ce héros romain qui a sauvé trois fois la République romaine et qui est rentré trois fois cultiver son champ. Mitterrand mettait en scène le souverain, Sarkozy l’hyperactif, Hollande le président normal et Macron le chef.

Du 18ème siècle qui a accouché de la Révolution avec la naissance de l’opinion publique jusqu’aux réseaux sociaux, les bouleversements ont été constants. Sans remonter jusqu’aux Lumières, la grande révolution fut celle de la radio au 20ème siècle, avec notamment le président Roosevelt au moment du New Deal. Pour montrer à quel point cela avait changé le rapport avec l’opinion, on dit même que pour sa première allocution à la Maison Blanche, il avait demandé à un peintre en bâtiment qui travaillait là d’écouter son discours et de l’arrêter chaque fois qu’il ne comprenait pas un mot. Ça a changé le langage politique et le rapport avec les gens. Pierre Mendès-France faisait la même chose avec ses causeries, on sait le rôle de la radio dans le destin du Général De Gaulle, on sait aussi comment elle a servi d’instrument de toutes les propagandes.

Emmanuel Macron parle tout le temps, comme ses prédécesseurs, ne serait-ce que parce que le moindre propos est désormais commenté, diffusé, amplifié par l’information en continu et les réseaux sociaux. La pression est très forte pour céder à l’emballement médiatique fait de petites phrases et de polémiques qui mènent n’importe où, le cas extrême, caricatural et dangereux étant celui de Donald Trump. La preuve est maintenant faite que Twitter rend fous les responsables publics à cause de l’obsession de la réactivité, l’expression en 140 caractères et l’absence de toute nuance et de toute distance qu’impose la réflexion avant de parler, surtout quand la parole est lourde de conséquences.

Ces paroles échappent complètement aux politiques, or c’est ennuyeux car quand on est président de la République ou des États-Unis, l’impératif catégorique est de résister à tout ce qui peut abaisser la fonction, banaliser ou disqualifier une parole que la société a besoin de prendre au sérieux. Si la parole présidentielle n’est plus prise au sérieux, il manque quelque chose. 

Ce qui est frappant avec Emmanuel Macron, c’est qu’il parle très bien du rôle du Premier ministre, de la verticalité, etc. Après en avoir parlé au début de l’émission, il nous fait pendant une heure un exercice de Premier ministre. Il y a plusieurs façons de jouer le spectacle et de se mettre en scène. Ce n’était pas causeries de Roosevelt ou de Mendès France, ni les conférences de De Gaulle, ni une allocution solennelle aux Français de la part d’un président qui a quelque chose de grave à leur dire. Le problème, c’est que comme d’habitude on n’a rien appris de cet exercice, à part qu’il était président de la République. Ce n’est pas le bon usage de la parole présidentielle, qui ne doit s’exprimer que lorsqu’elle a quelque chose d’important à dire.

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