Retranscription des premières minutes :
- « Sud Radio, comment va la planète ? » Tout de suite, on va retrouver Mora Daïtabouche, c'est une chronique un peu particulière.
- On rend hommage à un grand photographe, Sebastiao Salgado, franco-brésilien.
- Il nous a quittés vendredi soir à Paris.
- Il était très malade et justement, il y a quelques semaines, Mora Daïtabouche, pour Sud Radio et pour Comment va la planète, l'avait interviewé.
- C'est un de ses derniers entretiens.
- Tout de suite, vous écoutez une légende de la photographie.
- Ce matin, je vous emmène dans un lieu que peu de gens connaissent.
- Cela s'appelle une ligne de front.
- Pas à Gaza, où les journalistes, vous le savez, ne sont toujours pas autorisés à entrer.
- Non, je vous emmène dans les pas d'un homme qui a couvert la plupart des conflits de ces 50 dernières années.
- Spectateur impuissant de la marche du monde.
- L'homme dont je vous parle a toujours été en première ligne.
- Mais son arme à lui, c'est un petit boîtier qui fait juste ça.
- C'est Bastiao Salgado.
- Je l'ai rencontré en Somalie, puis au Rwanda.
- Photographe brésilien.
- L'homme est d'une grande discrétion.
- Ses photos font le tour du monde.
- Elles racontent la guerre, le génocide, la mort, l'exode, l'exploitation de l'homme par l'homme.
- Elles témoignent surtout de la folie des hommes.
- Toute sa vie, il a été au plus près.
- Car il n'y a pas d'autre moyen pour saisir l'horreur.
- L'enfer sous les bombes.
- Il en parle avec beaucoup d'émotion.
- Au bord des larmes.
- Les photographes, s'ils n'ont pas l'image, il faut qu'ils l'aillent.
- On s'expose beaucoup.
- J'ai parlé avec mon compagnon photographe il y a quelques minutes.
- Il y a des jours les plus aînés de ma vie.
- C'était le jour où j'ai complété quatre bonnes sommes.
- Simplement parce que j'étais là.
- Je n'étais pas mort.
- Combien de copains.
- Quand j'étais un gamin pendant quatre ans.
- On était douze photographes.
- Quatre photographes.
- Et je suis là.
- Donc pour moi a été vivant.
- Quatre photographes, privilégiément.
- Il y a les copains qui partent, le silence et la vie qui reprend son cours.
- Mais il y a aussi des blessures invisibles.
- Celles dont on ne parle qu'entre nous.
- On se pose des questions éthiques.
- On se pose des questions de légitimité.
- On se pose des questions de sécurité.
- Et c'est à nous-mêmes de trouver la solution.
- Je me suis retrouvé tout seul.
- Combien de fois dans ma vie, j'ai mis les appareils de côté et assis pour plaire.
- Parce que c'était tellement dramatique.
- Et j'étais seul.
- Ça, c'est le pouvoir photographe.
- Et puis, il y a cette guerre de trop.
- Celle qui voit les hommes devenir des monstres.
- Folie collective.
- Avis de sang et de vengeance, ils tuent à la machette.
- Pour Sebastiao, la goutte de sang de trop, c'était au Rwanda.
- J'y étais aussi.
- On n'en sort pas indemne.
- Vous savez, ce n'est pas facile d'arriver sur un camp de réfugiés.
- Et voir mourir par jour 15 000, 20 000 personnes au point qu'on ne peut plus les enterrer.
- Un par an, il faut trouver un bulldozer, faire un trou énorme par terre, venir avec la grosse pelle et enlever 20, 30 cadavres et les mettre là-dedans.
- Mais ça laisse derrière un bras, ça laisse derrière une tête.
- C'était une chose tellement brutale que je suis devenu malade.
- Malade.
- Et toute la violence qui s'est passée en même temps sur l'ex-Yougoslavie, ce n'est pas que je faisais un reportage sur la guerre au Rwanda, ni sur la guerre en ex-Yougoslavie.
- Je faisais une histoire sur le mouvement de population du monde.
- Mais en faisant ça, j'étais plongé dans le génocide rwandais.
- Et là, je suis devenu malade. Vraiment devenu malade.
- On le croyait indestructible.
- Il est malade, il le dit sans détour, sans aucune pudeur.
- Le reportage se pécache.
- Avec le Rwanda, c'est la fin d'un chapitre, le début d'un autre pour lui.
- Celui où le photoreporteur craque, de guerre lasse.
- Avec Lélia, sa femme, il décide de changer de vie.
- Fini la guerre, place à un autre combat.
- Ils rentrent ensemble au Brésil, où l'ancien président Bolsonaro fait abattre la forêt amazonienne.
- Il démarre alors une entreprise folle, planter des arbres.
- Mais pas...
Transcription générée par IA