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SNCF : le rapport Spinetta préconise la fin du statut des cheminots

Il faut sortir de ce débat et cesser d'opposer les uns aux autres. Personne n'a la même situation selon l'entreprise ou le secteur. Personne ne dispose des mêmes avantages, ni des mêmes conditions de travail.

 

Il faut se souvenir que la réforme des retraites ou du statut de la SNCF a toujours été un problème majeur sur lequel certains gouvernements ont buté.

On se souvient très bien du plan Juppé en 1995 quand il avait rajouté à la réforme de la sécurité sociale la réforme des retraites des cheminots. Au bout de six mois, le septennat était terminé, parce que les cheminots, comme les électriciens, ont un pouvoir de blocage qui est considérable. Les électriciens l’utilisent moins, mais il est arrivé aux cheminots, en 1995 en particulier, de l’utiliser.

Donc il faut discuter, négocier.

Et, indépendamment du blocage des syndicats, il y a, derrière, deux questions qui sont posées. La première, celle des statuts, toujours mise sur la table. La France, dit-on, est une société de statuts, sclérosée, avec des bénéficiaires qui ont des privilèges que les autres n’ont pas. Je crois qu’il faut sortir de ce débat, cesser d’opposer les uns aux autres, les secteurs professionnels les uns aux autres.

Personne n’a la même situation selon l’entreprise, selon le secteur. Personne ne dispose ni des mêmes avantages, ni des mêmes conditions de travail.

On dit qu’ils ont le train gratuit, mais il y a des tarifs particuliers dans l’électricité, dans l’énergie. Ceux qui travaillent pour des compagnies pétrolières ont l’essence moins chère, ceux qui travaillent dans les compagnies aériennes ont des billets d’avion moins chers. Bref, il ne faut pas vouloir, tout le temps, mettre tout le monde sous la toise. La diversité des situations est naturelle.

Deuxièmement, les statuts sont, en général, des textes qui apportent des garanties en échange de contraintes. On ne va pas faire la liste des contraintes pour les employés de la SNCF, mais il y en a. Ils ont moins de week-ends de libres, ils ne dorment pas toujours chez eux… C’est toujours la même histoire.

Dans les statuts du secteur public, il y a toujours l’emploi à vie, sauf faute lourde. Dans une société de chômage de masse, c’est effectivement un avantage considérable. Et en échange, les rémunérations ne sont pas non plus, très souvent, celles du secteur privé.

Il y aussi la question des retraites et il faut les séparer. La question des régimes spéciaux est posée. En 1946, quand on a créé la sécurité sociale, on a créé des régimes spéciaux alors que le programme du Conseil national de la résistance était le régime unique. Je pense qu’il faut revenir au régime unique, mais là encore, ça ne veut pas dire le régime uniforme.

On peut très bien imaginer un régime par points, où chacun, dans chaque secteur, recevrait des nombres de points différents, en fonction des contraintes, de la pénibilité du travail, etc.

Mais ça, ce sera pour le débat sur la réforme des retraites. En réalité, si on ne veut pas dresser les gens les uns contre les autres, le débat sur les statuts devrait plutôt être un débat sur la réforme des statuts, parce que ça a toujours évolué en fonction des circonstances, de la technologie, et pas un débat sur l’existence du statut lui-même, qui me paraît secondaire et porteur de tensions.

Mais il y a un autre débat derrière, celui de la concurrence. Nous avons accepté les textes européens, qui ont créé des conditions d’organisation de la concurrence qui ne sont pas forcément une bonne idée pour les grandes entreprises de services publics, je pense à EDF ou à la SNCF. Il faut se souvenir de pourquoi on les a nationalisées. L’une après la guerre et la SNCF avant. Ce n’était pas idéologique, c’était parce que toutes les compagnies privées étaient en faillite, parce que ce sont des activités à rendement croissant, plus le réseau s’étend, plus elles produisent, et plus les coûts sont faibles. Et elles sont forcément déficitaires si on emploie une tarification rationnelle, ce que les économistes appellent la tarification à coût marginal. Elles sont rarement viables dans des conditions de concurrence normales.

En plus, il y a des missions de service public derrière. On le voit bien, Spinetta propose de fermer toutes les petites lignes qui ne sont pas rentables. Il vaut mieux essayer de rendre ces petites lignes plus efficaces, plus au service des citoyens, plutôt que de les supprimer.

On a des enjeux d’aménagement du territoire qui sont considérables. Après, on a voulu couper, pour faire de la concurrence, entre le réseau et l’exploitation, c’est absolument ingérable. Il y a deux ou trois ans, on les a regroupés dans une holding, tout en restant séparés, parce qu’il faut que le réseau invente une tarification pour l’exploitation. Bref, tout ça est extrêmement compliqué et la concurrence ne va pas forcément apporter des simplifications. Mais on a signé. L’une des conséquences, c’est la fin du statut d’établissement public, parce qu’il apporte la garantie implicite de l’État sur toutes les dettes de l’entreprise, sur tous les emprunts de l’entreprise et que, donc, ce n’est pas compatible avec la concurrence pure et parfaite si chère à Bruxelles.

Il faudrait peut-être s’interroger, quand même, sur l’intérêt de cette politique de la concurrence européenne qui est devenue ravageuse et au nom de laquelle on justifie n’importe quelle réforme.

Écoutez la chronique d'Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio, présenté par Patrick Roger et Sophie Gaillard

 

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