Le plan pauvreté sera annoncé jeudi. Il a surpris un peu tout le monde, Emmanuel Macron est allé hier-soir voir un centre ATD Quart Monde. Ce plan, vous dites déjà, Laurent Mauduit de Médiapart, qu'il va être décevant. Sur quoi pouvez-vous bien d'ores et déjà vous fonder pour dire cela?
On avait déjà plusieurs indices, dés juillet. Vous-vous souvenez d'abord de la formule terrible du chef de l’État, "les aides sociales ça coûte un pognon de dingue". Puis il y avait eu le report de l'annonce du plan pauvreté au mois de juillet, qui avait suscité l'indignation de toutes les associations humanitaires. Ce qui avait fait dire à Benoit Hamon, non sans un certain sens de l'à-propos, que cet gouvernement était "pauvrophobe", c'est à dire qui n'aime pas les pauvres.
Alors mais maintenant qu'on connait certaines des annonces qui seront faites jeudi, est ce que ce qualificatif est quand-même mérité?
Il y aura une pluie de mesures. Parmi elles, une refonte du RSA, ou de la CMU complémentaire, la couverture maladie universelle. Ceci est évidemment bienvenu... Mais mesurez bien, tout de même, qu'en France - pays riche - il y a 9 millions de pauvres d'après une statistique de l'INSEE ! Un nombre terrible: ce qu'il faudrait, c'est un plan Marshall.
Et le gouvernement n'en prend pas le chemin?
Non, c'est bien tout le problème, parce-que d'où vient la pauvreté? D'abord le chômage, soit 3 millions de personnes, voire 5 millions selon le mode de calcul. Mais il faut bien comprendre pourquoi il y a non-seulement ces 5 millions, mais aussi en plus, ce que les statisticiens appellent le "halo" autour du chômage. Presque 40 ans de dérégulation du travail: les CDD, les temps partiels, les petits boulots. Résultat? En 1981, 90% des emplois créés étaient des CDI. Maintenant c'est l'inverse: 85% des emplois créés relèvent des formes particulières d'emploi, comme disent les statisticiens. Autrement dit, les petits boulots. Donc on est entré dans un univers de précarité, de flexibilité. Les dispositions de la loi travail prises par Emmanuel Macron l'an dernier vont accentuer cette tendance à la flexibilité, et contribuer à ce qu'on appelle "l'uberisation" de la société. Donc il y a une forme d'hypocrisie au plan pauvreté, parce-que le gouvernement va afficher l'ambition de limiter un tout petit peu les effets désastreux des dégâts qu'il aura lui-même causés.
CQFD, Emmanuel Macron est un pompier pyromane.