Emmanuel Macron a beau dire le contraire, son discours d'hier ressemble beaucoup à un enterrement en bonne et due forme du programme présenté il y a plusieurs semaines par Jean-Louis Borloo. Cela dit, le discours d’Emmanuel Macron était loin d’être vide, hier. Simplement, il y a une façon de dédramatiser l’enjeu des banlieues qui n’est pas totalement dénué de sens. Expliquer qu’un territoire en difficultés, c’est un territoire en difficulté, et qu’il n’y a pas de raison de faire la différence entre une banlieue et une zone rurale, c’est un message en soi : celui d’un volonté de réunification du territoire et de rappel du caractère commun de la République.
Sauf qu’il vient lui-même contredire tout cela.
Quand Emmanuel Macron explique fièrement à Jean-Louis Borloo que "deux mâles blancs ne vivant pas dans ces quartiers s'échangent l'un un rapport, l'autre disant 'on m'a remis un plan'... Ce n'est pas vrai. Cela ne marche plus comme ça". Là, on reste pantois.
Le Président de la République nous explique que le problème, c’est qu’il soit blanc. Pourquoi ? Il faut être noir ou arabe pour comprendre ce qui se passe en banlieue ? Les banlieues sont des territoires colonisés qui n’ont pas vocation à appartenir à la République et à qui il faut accorder l’indépendance ?
Emmanuel Macron, en une phrase racoleuse, vient ruiner tout un discours sur le retour de la République, de l’État de droit, de la force de la loi. Et il le fait parce qu’au fond, il est imprégné de cette vision anglo-saxonne, minoritariste, qui fracture de plus en plus les sociétés occidentales. Et c’est d’ailleurs ce qui explique aussi sa façon de prendre le problème des banlieues en axant sur l’émancipation individuelle et la responsabilité.
Il a renvoyé les habitants, les élus, à leurs responsabilités.
Et c’est en partie légitime. Il faut en finir avec une posture victimaire qui attend tout de l’État et qui omet les complicités de certains avec les trafics et l’économie parallèle qui parfois arrange tout le monde. Bousculer un peu, appeler à la mobilisation générale, très bien. Mais la responsabilité individuelle ne fait pas tout. Encore faut-il définir ce que nous avons à partager, ce qui constitue une communauté nationale.
Une société qui offre à ses jeunes le projet de "devenir millionnaires" ne peut que nourrir les frustrations et inciter certains à brûler les étapes pour se faire de l’argent facile. Une société qui propose à ses jeunes de construire ensemble un monde meilleur, plus digne et plus humain, peut s’adresser à ceux des quartiers pour leur dire qu’ils feront partie de l’aventure. C’est toute la limite de la grille de lecture libérale d’Emmanuel Macron. Chacun pour soi.
Écoutez la chronique de Natacha Polony dans le Grand Matin Sud Radio, présenté par Patrick Roger et Sophie Gaillard