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Xavier Moreau : "La monnaie russe est plus forte aujourd’hui"

Par Jean Baptiste Giraud

Xavier Moreau, historien et analyste politico-stratégique, directeur du site "Strat pol", était l'invité de "Bercoff dans tous ses états" le 5 avril 2023 sur Sud Radio.

Xavier Moreau
Xavier Moreau, invité d’André Bercoff dans "Bercoff dans tous ses états” sur Sud Radio.

Xavier Moreau est par ailleurs auteur du Livre noir de la gauche française et de Ukraine : Pourquoi la France s’est trompée.

 

Xavier Moreau : "Adosser le rouble aux ventes de gaz aux pays 'hostiles' a été un coup de génie"

Comment la Russie a-t-elle vécu, sur le plan économique, le début de cette guerre ainsi que sa suite ? "Les Russes ne s’y attendaient pas, au début c’était une sorte de stupeur. On est passés d’un état de paix armé à une guerre, la guerre de l’OTAN contre la Russie. Les sanctions ont eu un impact immédiat, dont l’inflation. La Banque centrale a très bien réagi en augmentant très fortement les taux d’intérêt, en bloquant les transferts d’argent pour prévenir un bank run. Et contrairement à 2014 et 2016, on est très rapidement revenus à des taux d’intérêt normaux. Finalement, la monnaie russe est plus forte aujourd’hui, avec un taux d’intérêt plus bas qu’il ne l’était avant l’opération spéciale. En plus, adosser le rouble aux ventes de gaz aux pays 'hostiles', à savoir l’Europe, a été un coup de génie", a répondu Xavier Moreau.

 


Xavier Moreau loue aussi la politique de la Russie vis-à-vis des sociétés occidentales qui songent à quitter le pays. "Les Russes ont annoncé la couleur en disant : 'si vous partez, on reprend les usines et les machines-outils'. IKEA est parti il y a six mois, et récemment, le management russe a repris l’entreprise pour refaire IKEA, même si ça s’appellera autrement."

"Le nouvel ordre mondial est fondé sur un développement à la chinoise, sur l’économie"

Pour Xavier Moreau, la Russie s'en sort finalement bien, malgré les sanctions et l'exode des sociétés occidentales. "Globalement, je trouve que les sanctions sont beaucoup moins pénibles que celles qu’on a connues en 2014-2015 après la destruction du MH17. La Russie a mis en place des tas de systèmes pour compenser les sanctions potentielles. Par exemple elle a son propre système de paiements. Visa et Mastercard sont fermés en Russie, mais en Russie vous ne vous en rendez même pas compte. La vie est extrêmement numérisée, les administrations, surtout à Moscou, ça marche mieux qu’à Paris. L’ambition de Vladimir Poutine est : de toute manière on va se prendre des sanctions, quoi qu’on fasse. Et on va utiliser ces sanctions comme en 2014 et 2015 pour faire un saut qualitatif dans ce que j’appelle 'l’hyperindustrialisation'. La Russie produit tout ce dont elle a besoin.

 


La Chine observe bien la situation et, elle non plus, ne perd pas de temps. "La Russie génère énormément d’argent. Même si elle vend moins de pétrole et de gaz, comme les prix ont beaucoup augmenté, elle a gagné plus d’argent en 2022 qu’avant. Mais aussi parce qu’elle s’appuie sur une réalité qu’a refusé de voir le monde occidental, à savoir la bascule de l’économie mondiale vers l’Asie. On assiste à la naissance d’un nouvel ordre mondial qui n’est pas basé sur la domination mais sur un développement à la chinoise, fondé sur l’économie. Les Chinois considèrent que chacun fait ce qu’il veut chez soi. En revanche, ils ont un projet qui n’est pas un projet militaire, qui n’est pas un projet diplomatique, mais un projet économique, qui est Les Routes de la Soie.

Les Routes de la Soie passent par l’Asie centrale et, en principe, devraient arriver jusqu’en Europe. La Chine a intérêt à ce que, tout au long de ces Routes de la Soie, la paix règne. Les Routes de la Soie, c’est un projet du ministère de l’Économie, pas du ministère des Affaires étrangères. Ils ont intérêt à inviter, par exemple, l’Arabie saoudite et l’Iran à s’entendre pour que la paix règne dans la région. Regardez aussi le Pakistan qui, sous l’impulsion de la Chine, a invité l’Inde à participer à des rencontres. La Russie aussi est appelée à participer aux Routes de la Soie, avec un axe de transport de la Caspienne, qui va de la Volga en Russie jusqu’en Iran. La Chine veut aussi utiliser la route maritime du nord, qui passe en Arctique grâce au réchauffement climatique", a déclaré Xavier Moreau.

 

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Retrouvez “Le face à face” d'André Bercoff chaque jour à 12h30 dans "André Bercoff dans tous ses états" Sud Radio.

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