L'avocat général Joël Sollier a appelé la cour à rendre une décision "raisonnée et sereine", en distinguant le "cas individuel" de l'archevêque de Lyon des "fautes morales et pénales" commises par l’Église face à la pédophilie de certains de ses prêtres.
"Je suis soulagé, je m'en remets à la décision de la justice (...) Et je veux dire aux victimes que je (ne) pense qu'à elles", a déclaré Mgr Barbarin devant la presse au sortir de la salle d'audience. La cour rendra son arrêt le 30 janvier.
En première instance déjà, le ministère public avait suggéré de relaxer le Primat des Gaules, plus haut dignitaire catholique du pays. Mais le tribunal correctionnel l'avait condamné, le 7 mars, pour ne pas avoir dénoncé les agressions commises sur des scouts, avant 1991, par le père Bernard Preynat.
Une décision retentissante dont l'onde de choc s'était propagée jusqu'au Vatican, qui avait refusé la démission du prélat dans l'attente de son procès en appel.
Comme les juges, l'avocat général a retenu la prescription des faits datant de 2010, quand Preynat avait avoué ses agissements au cardinal et qu'il n'avait rien dit.
Mais à la différence du tribunal qui a condamné les faits de 2014, quand une victime, cette fois, avait informé Mgr Barbarin sans qu'il dénonce le prêtre, Joël Sollier estime que l'archevêque n'a pas eu, alors, la volonté d'entraver la justice.
Aux yeux des juges de première instance, le cardinal a voulu "préserver l'institution" et éviter le scandale public, comme le lui enjoignait Rome.
L'avocat général se refuse, lui, à lui reprocher de ne pas avoir dénoncé des faits vieux de trente ans: il y voit une "conception extensive" du droit qui "fait courir le risque d'ajouter de l'injustice à l'injustice".
- "Rendez-vous raté"-
A l'issue du réquisitoire, François Devaux, cofondateur de l'association de victimes La Parole libérée qui porte la procédure, s'est défendu d'être dans le "symbole".
"Il y a des faits qui sont caractérisés et cela a déjà été souligné par la condamnation en première instance", a-t-il commenté. À ses yeux, le ministère public, qui avait classé sans suite une première enquête en 2016, n'est "pas à la hauteur".
Pour la défense au contraire, "à aucun moment le cardinal ne s'est rendu coupable de la moindre infraction", concédant seulement des "erreurs" et "maladresses" dans la gestion du cas Preynat.
"Est-ce qu'une procédure pénale où l'on utilise un symbole, un relais, ce n'est pas le danger ? (...) Ici, lui se retrouve seul à porter le poids de l'absence de paroles de tous", a lancé l'un de ses avocats, Me Jean-Félix Luciani, dont le client "ne mérite pas ce pilori qu'il subit depuis des années".
Selon lui, les neuf plaignants, à travers cette procédure, expriment "une forme de déception qui vient surtout du traitement du père Preynat par l'Église depuis le début des années 1990", le cardinal Barbarin n'arrivant qu'à la fin de ce processus, en 2002.
"J'ai entendu de la douleur, j'ai saisi cette douleur, mais est-ce que cette douleur c'est le droit ? Est-ce qu'elle peut permettre de condamner un homme parce qu'il serait l'incarnation d'une institution ?", a martelé l'avocat pour qui l'archevêque n'avait pas à porter plainte à la place des victimes de Preynat.
"Il est insupportable d'entendre que se substituer à elles, c'était les priver de leur liberté de parler, quand elles disent que parler était au-dessus de leurs forces", a rétorqué Me Elsa Loizzo, avocate d'une partie civile.
Sa consœur Me Raphaëlle Hovasse a soutenu "l'utilité de dénoncer, y compris des faits prescrits" car c'est bien "grâce au témoignage d'Alexandre Hezez", la victime venue voir Mgr Barbarin en 2014, que l'enquête sur les abus du père Preynat a débuté. Et "qu'en janvier, dix personnes vont pouvoir se constituer parties civiles" devant le tribunal correctionnel qui jugera le prêtre, défroqué en juillet.
"Vous avez raté le rendez-vous avec votre histoire", a lancé Me Yves Sauvayre, avocat d'un autre plaignant, au cardinal, dont la défense martèle au contraire que sans lui, personne n'aurait porté plainte.