Pendant dix ans, Asia Bibi a vécu l'enfer dans les geôles du Pakistan. Accusée de blasphème, l'ouvrière agricole, analphabète, de confession chrétienne, de 48 ans, est devenue un étendard de la persécution des chrétiens dans cette république islamique.
Au début, "des broutilles"
C'est une cueillette de fruits tout à fait banale à laquelle participait Asia Bibi en 2009 qui a tourné au calvaire. Un simple contentieux avec une de ses voisines "pour des broutilles", rapporte Anne-Isabelle Tollet, a viré au scandale judiciaire et au cauchemar. Sa rivale "a profité qu'elle boive un verre d'eau avec la timbale commune au puits" pour l'accuser d'avoir "rendu l'eau impure" parce qu'elle était chrétienne, raconte la journaliste. Asia Bibi a rétorqué "qu'il n'était pas écrit dans le coran que les chrétiens salissent la vaisselle des musulmans". Sa voisine lui a alors ordonné de se convertir à l'islam, la chrétienne a tenu tête et dès lors elle a crié au blasphème.
Une accusation grave dans cette République islamique. "Le blasphème, c'est le crime des crimes", rapporte la journaliste. "C'est la condamnation à perpétuité parce que si ce n'est pas la justice qui vous tue, c'est la rue qui s'en charge", ajoute-t-elle. Une incrimination qui "est plus grave que de tuer dix personnes", souligne Anne-Isabelle Tollet. Deux articles dans la Constitution pakistanaise condamne le blasphème. "À l'encontre du coran, c'est la prison à vie et à l'encontre de Mahomet, c'est la condamnation à mort par pendaison", explique-t-elle.
Un parallèle avec Mila qui inquiète
Asia Bibi a alors été jetée en prison puis condamnée par "plusieurs justices pakistanaises qui, sous la pression des mollahs, n'avaient pas d'autre choix que de la condamner à la peine maximale", rapporte la journaliste qui s'est donnée pour mission d'alerter le monde entier sur son cas. Et la mobilisation, notamment de la communauté internationale et du Vatican a porté ses fruits. Asia Bibi a été libérée en mai 2019 mais a dû quitter son pays natal. Elle a finalement trouvé refuge au Canada.
À une autre échelle, l'affaire Mila rappelle quelque peu le cas d'Asia Bibi. Une affaire qui "a choqué" Anne-Isabelle Tollet. "Quand je vois que dans mon propre pays, en France, on puisse suggérer un délit de blasphème, j'ai l'impression qu'on recule et que l'obscurantisme religieux prend de plus en plus de place", s'indigne la journaliste qui précise être "pour une liberté d'expression totale".
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