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Annette Lévy-Willard : "Le casting sur canapé, c'est aussi ancien qu'Hollywood"

Par Benjamin Jeanjean

Journaliste et auteur du livre Chronique d’une onde de choc sur le mouvement MeToo, Annette Lévy-Willard était l’invitée du Grand Matin Sud Radio ce mardi.

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C’est un tremblement de terre parti d’Hollywood qui a secoué la plupart des sociétés occidentales. Alors qu’aux États-Unis, les pratiques de harcèlement et agressions sexuelles du très puissant producteur de cinéma Harvey Weinstein étaient peu à peu mises à nu, ces révélations ont engendré une vaste prise de conscience au niveau mondial, brisant peu à peu l’omerta régnant sur ces questions de harcèlement. Auteur d’un livre sur le mouvement MeToo qui a suivi, la journaliste Annette Lévy-Willard confie aujourd’hui avoir été surpris par l’ampleur du phénomène.

"Octobre 2017... Ça ne fait que quelques mois et ça a déjà fait le tour du monde ! Ce mouvement est incroyable, et d’ailleurs je n’avais moi-même pas du tout compris au départ que ce mouvement prendrait une telle ampleur… J’ai un blog sur Libération, et pendant un mois on m’a demandé pourquoi je ne parlais pas de l’affaire Weinstein et de MeToo. Je répondais que je ne comprenais pas ce truc, je ne savais pas où ça allait", explique-t-elle.

"Tu ne prends pas l’ascenseur avec Harvey !"

Mais si elle admet facilement sa surprise vis-à-vis de la résonance mondiale de MeToo, Annette Lévy-Willard n’a pas forcément été étonnée de ce qu’elle a appris. "Je connais bien les États-Unis, je connaissais même Weinstein. Nous autres journalistes qui habitions à Hollywood, on faisait souvent la blague "Tu ne prends pas l’ascenseur avec Harvey !". Déjà à l’époque, depuis 20 ans… Il y avait une omerta, qu’on retrouvait dans d’autres milieux. Prenez ce qu’il se passe à l’Unef, ce dossier sorti par Libération. Regardez ce silence, ce droit de préemption des cadres sur les jeunes militantes, c’est invraisemblable pour un syndicat de gauche ! À Hollywood c’était pire, parce que c’est une tradition hollywoodienne si je puis dire… Le casting sur canapé est aussi ancien qu’Hollywood, Marilyn Monroe en parle dans sa biographie : il faut coucher à Hollywood quand on est une jeune femme qui arrive du Midwest et qui veut réussir. C’était acquis, il n’y avait pas de contestation. Et même aujourd’hui : j’ai vu une interview de Sharon Stone où on lui demandait ce qu’elle pensait de MeToo, de cette affaire, de ses éventuels problèmes. Elle éclate de rire et dit : "Qu’est-ce que vous croyez ? J’arrivais de ma campagne, j’avais 22 ans, je ressemble à ce que je ressemble..."", raconte-t-elle.

"On avait peur de la délation, mais il n’y a pas eu de chasse aux sorcières"

"Aujourd’hui, le couvercle se soulève. J’ai raconté cette histoire depuis le début parce que je m’interrogeais moi-même sur ce mouvement ? Je pensais que nous autres femmes occidentales, nous étions totalement en marche vers l’égalité. Économique, il y a encore du retard, mais politiquement ça avance, ça avance dans tous les secteurs, énormément de batailles ont été gagnées, etc. Et quand on soulève ce couvercle, on découvre qu’il restait cet espèce de silence sur des agressions, des abus, des choses qui n’étaient pas dites", ajoute-t-elle avant d’évoquer les doutes exprimés ces derniers mois, notamment en France, sur les risques d’une course à la délation publique.

"Avec #Balancetonporc, on avait peur de la délation. Il y a eu en tout et pour tout cinq affaires, toutes classées à part celle de Tariq Ramadan. Nicolas Hulot et Gérald Darmanin sont toujours au gouvernement, Frédéric Aziza a retrouvé son poste… Il n’y a pas eu de chasse aux sorcières, mais beaucoup de témoignages sur ce qu’il se passe, et je pense que ça fait bouger les choses", souligne-t-elle.

Réécoutez en podcast toute l’interview d’Annette Lévy-Willard dans le Grand Matin Sud Radio

 

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