Retranscription des premières minutes :
- Le Grand Matin Sud Radio, 7h-10h. Patrick Roger.
- Il est 8h09. Soyez libres, Elisabeth Lévy. Bonjour.
- Bonjour Patrick. Bonjour à tous.
- Alors on va parler d'une histoire qui n'est pas banale quand même, mais qui veut dire beaucoup de choses aussi sur notre époque peut-être, Elisabeth.
- C'est une caissière de supermarché qui devient une star sur TikTok. Racontez-nous tout ça, si vous ne l'avez pas vu.
- Après le loup d'intermarché dont on parlait il y a deux jours, eh bien la caissière de Carrefour.
- Elle s'appelle Léonie. J'ignorais que le prénom de ma chère grand-mère revenait en grâce.
- Elle a la vingtaine. C'est une étudiante. Elle est méritante et ravissante.
- Et le week-end, elle travaille au Carrefour de Laval.
- Et pendant ses pauses, que fait-elle ? Eh bien des vidéos avec ses collègues.
- Vous voyez ? Oui, oui, ce sont des...
- Oui, oui, des vidéos sur la musique, bien sûr.
- Des jolies chorégraphies au milieu des rayons, des mimiques.
- Quelques accessoires. Le tout en uniforme frappé du logo de la maison.
- C'est un peu le genre de truc... C'est très sympathique.
- C'est très bien fait, mais c'est un peu le genre de truc qu'on fait au mariage de sa meilleure copine.
- Et que le magasin poste désormais sur son compte TikTok, qui compte aujourd'hui 150 000 abonnés.
- Alors je suppose que personne ne s'abonne au compte TikTok d'un hypermarché sans une raison particulière.
- Et il semble que Léonie soit cette raison.
- Alors comment ça a démarré ? Mystère.
- Mais en quelques jours, c'est devenu un phénomène.
- Ces vidéos font des centaines de milliers de vues.
- Les commentaires pleuvent.
- Et des troupes de jeunes gens, de jeunes gens mâles plutôt, se précipitent au carrefour.
- Qui, en jugé aux photos, sont pourtant plantés un peu dans la pampa.
- Donc ils y vont dans l'espoir d'apercevoir la belle.
- Mais plus encore, de se filmer dans leur quête et de poster à leur tour.
- Et le magasin annonce avoir aussi recruté un garde-corps pour Léonie.
- Ce qui rajoute une page à l'histoire.
- Bon.
- Carrefour qui est implanté à Laval.
- Oui, pas au centre.
- C'est ça que je voulais dire.
- Oui, oui, c'est ça.
- Bon, mais qu'est-ce qu'on peut en déduire ? Qu'est-ce que nous raconte, en quelque sorte, cette histoire, Elisabeth Lévy ? Alors, dans la version jolie conte de fées de Noël, eh bien, elle nous dirait l'amour pour les petits, pour les humbles, pour les métiers essentiels, comme on disait pendant le Covid.
- Bon, en réalité, je pense que c'est plutôt la prophétie de Andy Warhol qui se réalise, chacun son quart d'heure de gloire.
- Oui.
- Mais cette célébrité est...
- C'est complètement autoréférentielle.
- Elle se mord la queue, en quelque sorte.
- On n'est pas célèbre pour ses œuvres ou pour ses exploits, mais on est célèbre parce qu'on est célèbre, à l'image de Kim Kardashian ou de Paris Hilton, dont on ne connaît pas les œuvres, pardon.
- Léonie n'est pas célèbre parce qu'elle danse bien, même si elle danse bien et même si elle est très mignonne, mais parce qu'elle est virale.
- Peu importe le talent, ce qui compte, c'est le nombre de vues et de followers.
- On la regarde parce que des milliers d'autres l'ont regardée.
- Les réseaux sociaux, en fait, se consacrent, le triomphe du désir mimétique.
- Ce n'est pas moi qui décide, c'est la boxe populi qui me dit ce que je dois aimer ou détester.
- Alors certains vont se réjouir de cette démocratisation de la célébrité qui est devenue un objectif en soi.
- On me regarde, donc je suis.
- Et après tout, cette célébrité, c'est vrai, n'est pas répartie toujours.
- Très justement, il y a des tas de gens nuls, artistiquement et moralement douteux, qui sont célèbres avec tous les avantages et privilèges afférents.
- Vous savez, Patrick, la promesse, possible de la Révolution française, c'était tous aristocrates.
- Si tout le monde est aristocrate, il n'y a plus d'aristocrates.
- Eh bien, la promesse des réseaux sociaux, c'est tous célèbres.
- L'ennui, c'est qu'à la fin, plus personne ne sera là pour faire le public.
- Oui, c'est vrai.
- Vous voyez, on sera tous célèbres, mais il n'y aura personne pour nous regarder.
- Alors ça, c'est...
- Oui...
- Bon, cela dit,...
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