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Les riches ont fait sécession

Natacha Polony analyse aujourdhui les résultats d'une étude publiée par la Fondation Jean-Jaurès, qui démontrent que les riches auraient fait sécession. 

La Fondation Jean-Jaurès, proche du parti socialiste, a publié une étude montrant que les riches auraient fait sécession. Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Cette expression "sécession des riches", on la doit à un historien américain Christopher Lasch, qui en 1994 analysait cette rupture entre les élites et le peuple. Les premières n'ayant plus les mêmes intérêts objectifs que le reste de la nation. Le dérégulation des flux financiers avait créé une sorte de caste mondiale qui communiait dans le même mépris pour l'État-nation et qui orientait le système économique uniquement dans le sens d'un dépassement des frontières et d'un contournement de l'impôt ou de tout ce qui pouvait les faire participer à l'effort commun.

Et dans cette étude de la Fondation Jean-Jaurès, on trouve les conséquences de ceci, à savoir la façon dont les plus riches ont organisé l'espace pour se détacher peu à peu du lot commun, pour ne jamais croiser les pauvres et ne jamais partager leur vie. On connaît les phénomènes de gentrification des centres-villes et les chiffres sont parlants : en 1982, les cadres et professions intellectuelles représentaient 24,7% de la population parisienne, nous dit cette étude. En 2013, c'était 46,4%. Pendant ce temps, les employés et ouvriers sont passés de 18,2% à 6,9%. Et la ségrégation urbaine s'est doublée d'une ségrégation scolaire. Plus les quartiers divergeaient, moins les enfants se croisaient et le fameux évitement scolaire est devenu un sport : on va dans le privé ! Et puis, il n'y a même plus le service national pour brasser un peu chaque génération, d'où d'ailleurs la volonté d'Emmanuel Macron d'en créer un universel et obligatoire. Mais ça ne suffira sans doute pas pour contrebalancer un phénomène qui touche l'ensemble des pays occidentaux.

Le président doit-il essayer de refaire "nation" ? Jérôme Fourquet, l'auteur de l'étude, souligne que les Français dits "de l'étranger", ou les plus diplômés, sont surreprésentés et sont passés de 385 000 en 2002 à 1 264 000 en 2017. Ces gens-là ont quasiment tous voté pour Emmanuel Macron parce qu'ils entendaient en lui l'éloge du grand large, de la mobilité, de l'adaptation de la France à la globalisation. Le président - et heureusement d'ailleurs - est plus complexe, mais les aspirations de ces Français n'ont plus rien à voir avec celles des gens qu'ils considèrent comme des manants. Étymologiquement, le "manant", c'est celui qui reste, celui qui demeure, celui qui croit en la France face au nomade moderne qui a les moyens de s'affranchir du bien commun.

>> L'intégralité de la chronique est disponible en podcast

 

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