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Martinique: sous la colère, une aspiration à l'autonomie qui divise

Par AFP

La mobilisation contre la vie chère en Martinique remet au centre du jeu la question de l'autonomie politique de ce département situé à 7.000 kilomètres de Paris. Si beaucoup d'élus locaux y aspirent, le sujet fait débat dans une île colonisée par la France en 1635.

Lionel CHAMOISEAU - AFP/Archives

La mobilisation contre la vie chère en Martinique remet au centre du jeu la question de l'autonomie politique de ce département situé à 7.000 kilomètres de Paris. Si beaucoup d'élus locaux y aspirent, le sujet fait débat dans une île colonisée par la France en 1635.

"Je suis partisan de rester dans la République, mais d'obtenir une autonomie extrêmement large", affirme d'emblée le président de la Collectivité territoriale de Martinique (CTM), Serge Letchimy, dans un entretien avec l'AFP fin septembre.

L'ancien député veut obtenir de Paris "la possibilité de faire des lois et des règlements sur place". Or l'article 73 de la Constitution dispose que, dans les départements et régions d'outre-mer, les collectivités ne peuvent légiférer dans de nombreux domaines.

"Quand je dis +pays des océans+, je ne le dis pas pour rien", dit la députée Béatrice Bellay. "Nous avons des problématiques de pays parce que nous sommes des îles", avec des similitudes et beaucoup de différences, avance l'élue socialiste: "toutes les problématiques de la Guyane ne sont pas celles de la Martinique".

Serge Letchimy regrette qu'il lui ait fallu des années pour convaincre Paris de laisser la Martinique devenir membre de l'Organisation des États de la Caraïbe orientale. La collectivité y fait flotter désormais son propre drapeau, rouge, vert et noir.

Serge Letchimy lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, à Paris le 4 juin 2019

Serge Letchimy lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, à Paris le 4 juin 2019

Lucas BARIOULET - AFP/Archives

Autre bras de fer en cours, la reconnaissance du créole comme langue co-officielle. Adoptée par la collectivité en 2023, le tribunal administratif de Fort-de-France, saisi par le préfet, l'a annulée début octobre au motif que le Français est constitutionnellement l'unique langue officielle.

Serge Letchimy assure en outre n'avoir jamais reçu de "réponse claire" du président Emmanuel Macron après "l'Appel de Fort-de-France" lancé en mai 2021. Dans cette déclaration, la Martinique et cinq autres territoires (Guadeloupe, Saint-Martin, Guyane, La Réunion, Mayotte) demandaient la "reconnaissance" de leurs "spécificités".

Or "tant que le gouvernement ne s'investit pas dans une réforme profonde de l'organisation du développement (des territoires ultramarins, NDLR), ça va être un désastre politique et économique", souligne l'élu.

- "Sentiment anti-français" -

"Les Martiniquais ne sont ni autonomistes, ni indépendantistes, ils sont identitaires", juge de son côté Yan Monplaisir, figure de la droite locale.

Dans une île d'environ 350.000 habitants marquée par un passé esclavagiste et colonial, ce maire de la commune de Saint-Joseph regrette le développement d'un "sentiment anti-français" au sein d'une partie de la population.

La députée Béatrice Bellay défend elle l'idée d'autonomie mais constate que l'utilisation du mot est périlleuse car quand on parle d'autonomie, la population comprend parfois "indépendance", ce qui soulève des "craintes".

"Faisons la preuve qu'avec ce qu'on a déjà, on le fait bien. À ce moment-là, la population adhérera", veut croire Hugues Toussay, maire du Diamant (sud de l'île), élu de gauche et également autonomiste.

La députée du Nouveau Front Populaire (NFP) Béatrice Bellay à l'Assemblée nationale à Paris le 10 juillet 2024

La députée du Nouveau Front Populaire (NFP) Béatrice Bellay à l'Assemblée nationale à Paris le 10 juillet 2024

Bertrand GUAY - AFP/Archives

Lui, comme Béatrice Bellay, citent la problématique des transports publics, compétence que la collectivité a, selon eux, déjà du mal à assumer. "C'est un faux procès, par ignorance", balaye Serge Letchimy. Le problème, c'est qu'"on donne des compétences sans donner la possibilité de modifier les règlements ou les lois" afférents, déplore l'élu.

Mercredi soir, un accord pour faire baisser, de 20% en moyenne, les prix de milliers de produits alimentaires a été signé entre la préfecture, la collectivité, des parlementaires et des acteurs économiques, mais sans le Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC), le collectif à la tête du combat contre la vie chère.

Son président, Rodrigue Petitot, lie d'ailleurs la lutte pour l'"autonomie alimentaire" à l'aspiration à une autonomie politique.

Et celui qu'on surnomme "le R" imagine "une autonomie forte qui préparera peut-être, dans les années à venir, pour nos petits-enfants, une (...) future indépendance s'ils le veulent".

Le politologue Fred Constant doute cependant d'une adhésion massive à une large autonomie en Martinique, région la plus âgée de France, pas forcément portée au changement.

Mais "si le RPPRAC arrive à mobiliser les jeunes (...), on pourrait peut-être avoir des surprises", nuance-t-il.

Par Antoine BOYER / Fort-de-France (AFP) / © 2024 AFP

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