L'historien et résistant Marc Bloch entrera au Panthéon, a annoncé samedi Emmanuel Macron louant son "courage" et sa "lucidité" lors d'un discours à Strasbourg à l'occasion des 80 ans de la libération de la capitale alsacienne.
"Pour son œuvre, son enseignement et son courage, nous décidons que Marc Bloch entrera au Panthéon", a déclaré le chef de l'Etat à l'université de Strasbourg où Marc Bloch a enseigné.
Le président a loué sa "lucidité cinglante qui nous frappe aujourd'hui encore", son "audace des mots et des idées qui se doubla du courage physique" et sa "volonté française jusqu'à son dernier souffle, jusqu'à l'assassinat par la Gestapo".
Emmanuel Macron a aussi remis la Légion d'honneur à son fils Daniel Bloch.
"La famille est très émue. Nous espérons que cet hommage qui va lui être rendu permettra de faire connaître mieux, davantage, de faire rayonner son œuvre", a réagi auprès de l'AFP Hélène Seguret, 50 ans, arrière-petite-fille de Marc Bloch, après avoir assisté au discours du président.
Rappelant que Marc Bloch était professeur, père de six enfants et "très attaché à la jeunesse", elle a souhaité que cette dernière soit "très impliquée" dans cet hommage.
Dans une lettre au président de la République, dont l'AFP a obtenu copie, la famille demande aussi que "l'extrême droite, dans toutes ses formes, soit exclue de toute participation à la cérémonie" d'entrée au Panthéon.
Issu d'une famille juive alsacienne, professeur d'histoire du Moyen-Age à l'université de Strasbourg de 1919 à 1936, Marc Bloch a renouvelé en profondeur le champ de la recherche historique en l'étendant à la sociologie, la géographie, la psychologie et l'économie.
Capitaine et Croix de guerre en 1914-1918, de nouveau mobilisé en 1939, Marc Bloch s'engage dans la résistance au tournant des années 1942/43.
L'auteur de "L'étrange défaite", écrit en 1940 et publié après la guerre, est arrêté à Lyon le 8 mars 1944, emprisonné et torturé à la prison de Montluc, puis fusillé le 16 juin avec 29 de ses camarades.
- "Malgré-nous" -
Lors de son discours au Palais universitaire de Strasbourg, Emmanuel Macron a aussi évoqué les "Malgré-nous", ces 130.000 Alsaciens et Mosellans considérés comme Allemands après l'annexion de ces territoires, et qui ont dû intégrer l'armée allemande.
Leur "tragédie doit être nommée, reconnue, et enseignée (au collège et au lycée, ndlr) car elle est celle de la Nation".
"Ces enfants d’Alsace et de Moselle furent capturés, habillés d'un uniforme qu’ils détestaient, au service d’une cause qui les faisait esclaves, instruments d’un crime qui les tuait aussi, menacés de représailles s’ils tentaient de fuir. Ceux-là comprirent parfois aussi dans leur rang des enfants perdus qui endossèrent la cause néfaste du Reich", a déclaré le président.
"Il faut reconnaître les souffrances que les premiers subirent, celles que les seconds dans leur petit nombre causèrent, cette souffrance dont la responsabilité première incombe au régime nazi".
Très longtemps, les "Malgré-nous", associés pour certains à l'un des pires massacres de civils commis par les Nazis en Europe occidentale à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) en 1944, sont demeurés un sujet tabou.
L'incorporation de force, c'est "une chose qui a toujours été mal comprise", a déclaré à l'AFP Jean-Marie Hostert, 99 ans, l'un de ces "Malgré-nous". "Nous, on ne voulait pas y aller", explique le nonagénaire, présent samedi pour les commémorations.
Emmanuel Macron, qui poursuit un long cycle mémoriel autour des 80 ans de la Libération de la France et de la fin de la Seconde guerre mondiale, s'est rendu ensuite à une soixantaine de kilomètres de Strasbourg, dans l'ancien camp de concentration nazi de Natzweiler-Struthof, le seul érigé en territoire français alors que l'Alsace était annexée de fait par le IIIe Reich.
Dans un froid hivernal, par 800 mètres d'altitude, il a parcouru l'exposition sur l'histoire du lieu où furent déportés résistants, opposants, juifs, homosexuels d'une trentaine de nationalités (Français, Polonais, Soviétiques..) et où 17.000 d'entre eux périrent.
Le chef de l'Etat a conclu sa visite au Musée mémorial d'Alsace-Moselle à Schirmeck, qui retrace l'histoire des habitants de la région, ballotés entre France et Allemagne entre 1870 et 1945, avec germanisation forcée, interdiction de porter le béret français, expulsion des juifs et déportations de 1940 à 1944.
Cette journée mémorielle avait débuté par une cérémonie militaire à Strasbourg, où le chef de l'Etat a salué la mémoire du général Leclerc et des hommes de la Deuxième division blindée, libérateurs de Strasbourg le 23 novembre 1944, après s'être juré trois ans plus tôt lors du serment de Koufra (Libye) de combattre jusqu'à ce que le drapeau français flotte sur la capitale de l'Alsace.
En guise de clin d’œil, les couleurs de la France ont été de nouveau hissées sur la flèche de la cathédrale de Strasbourg.
Par Valérie LEROUX et Pauline FROISSART / Strasbourg (AFP) / © 2024 AFP