Avec Luis Vassy, directeur de cabinet de l'ex-ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné et ancien camarade de promotion d'Emmanuel Macron à l'ENA, c'est un diplomate rompu à la "gestion de crises" qui va diriger Sciences Po pour tenter d'"apaiser" un établissement dans la tourmente.
Après avoir fait ses armes auprès de Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, ce normalien et énarque fut ambassadeur de France aux Pays-Bas, de 2019 à 2022, avant de diriger le cabinet des ministres des affaires étrangères successifs, Catherine Colonna, puis Stéphane Séjourné.
A 44 ans, ce haut-fonctionnaire à la double nationalité française et uruguayenne candidatait pour la première fois à la tête de Sciences Po.
Ce fils d'un père uruguayen réfugié politique et d'une mère argentine, naturalisé français à l'âge deux ans, plaide pour une refonte du projet de l’établissement. Il souhaite "des modes de gouvernance et de dialogue apportant l'apaisement" et veut "redresser l'image de l'établissement dans les médias et l’opinion, ainsi que chez les partenaires académiques, institutionnels et financiers".
Sciences Po a été plongé dans une nouvelle crise de direction après la démission en mars de son ancien patron, Mathias Vicherat, renvoyé devant la justice avec son ex-compagne dans un dossier de violences conjugales. L'ex-directeur général de Pôle Emploi Jean Bassères est depuis fin mars administrateur provisoire de l'école.
La prestigieuse "école des élites" a aussi été secouée ces derniers mois par des polémiques liées aux mobilisations d'étudiants propalestiniens.
Pour ce diplômé de l’ENA, de l’ENS Cachan et de Sciences Po Paris, les conflits à l'étranger, l'environnement, le numérique et la question européenne doivent guider l'enseignement et la recherche de cette "université de la contemporanéité".
Pour lui, Sciences Po est "un objet extrêmement hybride à la fois académique et pratique, à la fois français et international" et "l'aspect international me parle par définition", a-t-il assuré auprès de l'AFP quelques jours avant sa désignation.
- "Machine de guerre" -
"Comme c'est un peu la tempête, il faut comprendre quel est le cap, redessiner cette institution et la remettre en route", selon lui.
Luis Vassy vante son propre "sang froid" et sa "capacité à gérer des crises", après son expérience au Quai d'Orsay avec la crise qui a suivi les attaques sanglantes du 7 octobre en Israël et le début de la guerre à Gaza.
Le Quai avait dû mettre en place des opérations d'évacuation extrêmement complexes pour les agents travaillant à l’institut français à Gaza.
Plusieurs diplomates ont estimé qu'il était "équilibré sur ce dossier" de Gaza. "Il est partisan du +en même temps+" (le droit d'Israël à se défendre tout en respectant le droit international), estime une source diplomatique.
M. Vassy assure que Sciences Po "est un objet qui (lui) tient à cœur du fait de (son) histoire mais surtout la formation et la transmission du savoir, c’est d’utilité publique", d'après le diplomate, regard déterminé derrière ses lunettes.
Dans son entourage, beaucoup s'accordent à dire que Luis Vassy est "une sacrée mécanique intellectuelle". Une ancienne collaboratrice évoque "une machine de guerre qui travaille non-stop".
"Ce qui revient souvent dans la bouche de plusieurs autres diplomates est qu'il est ambitieux et attaché aux valeurs de l’école, l’ascension sociale par l’école", explique la source diplomatique.
"Il a un cercle d'admirateurs sincères ou intéressés parmi une tranche d’agents plutôt jeunes, un peu groupie", décrit cette source, qui précise qu'"il manie l’humour à froid, un peu à la britannique qui plait beaucoup aux anglomanes du Quai".
Mais "certains lui reprochent son côté cassant. Il a des responsabilités importantes mais cela ne le dispense pas d'être humain", complète-t-on au sujet de celui dont la désignation, actée vendredi par les instances dirigeantes de Sciences Po, doit encore être officiellement avalisée par l'exécutif.
Par Anne-Sophie MOREL et Delphine TOUITOU / Paris (AFP) / © 2024 AFP