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"Les prisons sont devenues des fabriques à djihadistes"

Par Jérémy Jeantet

Quelques jours après qu'un attentat, fomenté depuis la prison de Fresnes, a été déjoué, les surveillants pénitentiaires alertent sur le phénomène de radicalisation, omniprésent dans le système carcéral.

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Dans les récents attentats perpétrés sur le territoire français, la case prison fait souvent partie du parcours des assassins. L'exemple de l'attentat déjoué, qui avait été préparé depuis l'intérieur des murs de la prison de Fresnes, pose une nouvelle fois la question de la radicalisation dans le système carcéral. Les surveillants pénitentiaires affirment que, désormais, dans les prisons, ce sont les prêcheurs islamistes qui tirent les ficelles et qui attirent les détenus dans leurs filets fanatiques.

Selon eux, la conversion à l'islam est quasiment imposée aux nouveaux détenus, qui acceptent bien souvent, "soit pour se protéger, soit parce qu'on va leur donner de la nourriture", explique ainsi Emmanuel Baudin. "J'ai le souvenir de détenus qui, pour être tranquilles, jouaient le rôle, se laissaient pousser la barbe, faisaient le ramadan".

Les politiques ont pensé qu'en donnant toujours davantage, on achèterait la paix sociale

Surveillant pénitentiaire depuis 15 ans, il avoue n'avoir, aujourd'hui, plus aucune autorité sur les détenus : "Les obliger à se lever le matin, par exemple, à aller à l'école, à apprendre à lire et à écrire, à faire un travail. Aujourd'hui, un détenu, s'il ne veut pas se lever le matin, il ne se lève pas."

Sans outil législatif supplémentaire, il ne peut pas les contraindre. Selon lui, tous les gouvernements qui se sont succédé ont détruit, petit à petit, le pouvoir des surveillants : "Les politiques ont pensé qu'en donnant toujours davantage, on achèterait la paix sociale. Simplement, aujourd'hui, on est face au mur et on voit bien que cette insécurité qui règne au sein de nos détentions sont un terreau propice pour la radicalisation d'un certain nombre qui, pour se protéger, vont se rapprocher de ces groupes qui prêchent un islam radical."

Afin de restreindre cette contagion djihadiste, certains syndicats souhaitent que les détenus radicalisés soient placés à l'isolement. Pour Yohan Karrar, surveillant à Fresnes, un délinquant qui rentre pour simple vol a tous les risques de ressortir terroriste : "Il faut arrêter de se voiler la face, les prisons sont devenues des fabriques à djihadistes. On est arrivé à un point où la prison n'est pas du tout punitive. La prison n'est là que pour restreindre la liberté des gens, mais à côté de ça, cette personne a tous les droits d'un citoyen lambda : le droit de regarder la télé, le droit d'écrire, le droit de téléphoner..."

On saisit régulièrement, dans les détentions, des clés USB avec des scènes de décapitation

Les portables, bien qu'interdits, sont dans toutes les cellules et servent à répandre le cancer du djihad. "Les détenus ont tous des téléphones 4G et suivent, sur Youtube, les événements, les décapitations. On saisit régulièrement, dans les détentions, des clés USB avec des scènes de décapitation", reconnaît Yohan Karar.

Pour Emmanuel Baudin, le métier de surveillant pénitentiaire est "de plus en plus difficile, parce qu'il y a 15 ans, on les voyait se transformer physiquement. Aujourd'hui, ce n'est plus du tout le cas. Ils se fondent dans la masse, donc c'est davantage de travail de renseignement à faire."

Ce renseignement pénitentiaire, créé en avril 2017, est encore en construction, mais c'est cette cellule spéciale qui a permis d'empêcher le projet d'attentat des deux prisonniers de Fresnes. En revanche, d'après Emmanuel Baudin, surveillant pénitentiaire et secrétaire général SNP-FO, la lutte contre la radicalisation est inutile pour certains détenus : "Je prends l'exemple de celui qui a fait sauter le métro Saint-Michel en 1995. Ce garçon est toujours en prison, il ne sortira jamais. Il prêche un islam radical, il essaie d'endoctriner plein de monde. On le change de prison régulièrement, mais il est en détention normale. Peut-être qu'il faut se dire, à un moment, que ce genre de personnages sont perdus et les isoler, les mettre sur un établissement spécifique, où ils ne seront qu'avec ce même type de détenus évitera un phénomène de contamination. Oui, il y a des gens qui sont malheureusement perdus pour la société. Je pense qu'il faut, à un moment, l'admettre."

Propos recueillis par Thomas Schnell pour Sud Radio

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