Les services d'urgences connaissent une "dégradation inexorable" de leur fonctionnement, selon le principal syndicat de médecins urgentistes qui propose notamment de revoir l'organisation territoriale de ces services.
"Pour la troisième année consécutive, de nombreux services" ont subi cet été "des difficultés majeures de fonctionnement, en lien avec le manque d'effectif soignant", a indiqué Samu Urgences de France dans sa troisième enquête annuelle sur le fonctionnement estival des urgences.
"Le fonctionnement en mode dégradé est devenu habituel", avec "moins de médecins présents pour accueillir un nombre de patients toujours plus important, moins de médecins dans les Smur (ambulances avec médecin pour les urgences vitales), moins de lits pour hospitaliser les patients à partir des services d'urgence", déplore le syndicat.
Le diagnostic est en contradiction avec celui fait pendant l'été par le ministre de la Santé démissionnaire Frédéric Valletoux, selon qui les choses allaient cet été "un peu mieux que l'an dernier", avec des tensions qui n'étaient "pas aussi fortes".
Il est plus proche en revanche de celui fait par la Fédération hospitalière de France (FHF) qui regroupe les hôpitaux publics. Pour celui-ci, le fonctionnement estival des urgences s'était dégradé pour 39% des établissements, 15% décelant au contraire une amélioration.
Selon les chiffres de Samu Urgences de France, 61% des services d'urgences répondants ont dû fermer au moins une ligne médicale (équipe de soins) pendant l'été, contre 57% l'an dernier.
Côté Smur (structures mobiles d'urgence et de réanimation), Samu Urgences de France a comptabilisé 174 fermetures de lignes, contre 166 l'an dernier.
Dans une dizaine de cas, "le secteur couvert a été laissé sans aucune réponse Smur pour répondre à l'urgence vitale", a précisé Samu Urgences de France.
Pour le syndicat, le système hospitalier doit prendre conscience du problème en affichant chaque jour un "indicateur lit brancard" de chaque service d'urgences, c'est-à-dire le nombre de patients attendant un lit d'hospitalisation, au prix d'un risque accru pour leur santé.
- Antennes de médecine d'urgence -
Et face à la rareté des médecins urgentistes, il est nécessaire également de "réviser le maillage territorial" des urgences, estime le syndicat, pour qui "il n'est plus viable de maintenir tous les services d'urgences" actuels.
Certains services existant aujourd'hui pourraient évoluer en "antenne de médecine d'urgence" (12 heures par jour d'ouverture seulement), et d'autres pourraient être "regroupés", "pour consolider les équipes sur des sites facilement accessibles à la population", indique-t-il.
En revanche, il faut maintenir un maillage d'équipe Smur suffisant pour que sur tout le territoire, les urgences vitales puissent être traitées à temps, estime-t-il.
Ce été, la presse régionale a régulièrement rapporté des cas d'engorgements de service d'urgence, d'attente excessive, et de fermeture de services.
La situation est particulièrement tendue par exemple en Mayenne, ou les urgences du centre hospitalier de Laval - le chef-lieu de ce département rural de 305.000 habitant - n'arrivent pas à recruter suffisamment d'urgentistes pour parvenir à fonctionner normalement 24H sur 24, 7 jours sur 7.
La direction de l'hôpital a proposé que la régulation médicale du Samu de la Mayenne pendant la nuit soit parfois assurée par département voisin du Maine-et-Loire, pour libérer du temps des urgentistes locaux.
La mesure a suscité une levée de bouclier sur place. Samu Urgences de France est chargé d'une médiation pour tenter de trouver une solution, a-t-il indiqué.
Le problème de l'engorgement estival n'est toutefois pas lié qu'au manque de médecins urgentistes, souligne le syndicat.
Selon son étude, les services d'urgences ont aussi de plus en plus de mal à trouver des lits en aval pour hospitaliser leurs patients.
Selon ses chiffres, 23% des établissement étudiés ont fermé plus de lits de réanimation que d'habitude cet été, et 65% des établissements ont fermé plus de lits en médecine ou chirurgie que les étés précédents.
Par Laurent BARTHELEMY / Paris (AFP) / © 2024 AFP