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Le regard libre d'Élisabeth Lévy - "Marc Veyrat, à 500 euros le repas, le droit de râler devrait être compris dans l’addition."

Marc Veyrat, immense chef français, a perdu sa troisième étoile au Guide Michelin. Vous pensiez que le bougre de noir vêtu en resterait là ? Que nenni ! Aujourd'hui commence le procès l'opposant au Guide Michelin. Et au cœur des préoccupations d'Élisabeth Lévy : la libre critique professionnelle en danger.

Le regard libre d'Élisabeth Lévy

Retrouvez "Le regard libre d'Élisabeth Lévy" du lundi au vendredi à 8h10 sur sudradio.fr

 

D'où est partie "l'affaire Marc Veyrat " ?

Le célèbre chef haut savoyard, fait un procès au guide qui lui a retiré sa troisième étoile. Désormais, il n’est plus qu’un des 85 deux étoiles. Déshonoré. Cette perte a été pire que la mort de ses parents dit-il.

Peu de Français ont mangé à la Maison des bois, mais la plupart connaissent Veyrat et son chapeau noir. Avec la multiplication des stars des fourneaux, les chefs sont devenus des chefs d’entreprise qui vendent leur image autant que leur cuisine. De vrais people. Ils se voient comme des artistes, beaucoup sont devenus des divas narcissiques capricieuses et hyper-sensibles à la critique. Au XIXème, on provoquait en duel pour une mauvaise critique. En 1941, Jean Marais a rossé un plumitif de Je Suis Partout qui avait éreinté Cocteau. Veyrat se contente d’un procès en référé. L'audience se tient ce matin au tribunal de Nanterre.

 

Que reproche-t-il au Michelin et que demande-t-il au juge ?

Les inspecteurs l’auraient accusé d’avoir utilisé du cheddar à la place des fromages locaux, mais nulle trace de ce Cheddargate dans le Michelin 2019 qui reste d'ailleurs très élogieux. Un seul bémol : l’addition. Malka a d'ailleurs été surpris : "C'est grotesque, M. Veyrat nous poursuit parce qu'il a été jugé excellent plutôt que génial!".

Veyrat veut la vérité, dit-il, sur les méthodes des inspecteurs (il supposerait la levée de leur anonymat). Pire encore, il ne veut plus être noté par le fameux Guide rouge. Maître Malka tacle le chef : « il voudrait être la seule personne physique ou morale de France à ne pas pouvoir faire l’objet de recommandations libres, à la hausse ou à la baisse. Or, tout le monde a droit à la libre critique constitutionnel. (ex : "Vin de merde !"). Ça va de paire avec la liberté d’expression. 

 

Mais la critique peut être injuste. Et avoir des conséquences financières énormes ?

Oui. Michelin a un statut presque institutionnel, comme les agences de notations financières. Ses avis peuvent ruiner un établissement. De fait, le juge peut vérifier qu’ils ne sont pas inspirés par la malveillance ou, comme certains commentaires, dictés par la concurrence. 

Mais nous avons tous eu des notes qui nous semblaient injustes et qui l’étaient peut-être. Les génies méconnus sont légion. Que vous vendiez des voitures ou des œuvres, vous ne pouvez pas vous soustraire au jugement autonome qui est l’activité humaine par excellence. C'est peut-être cruel mais les autres ont leur subjectivité, leur goût, même éventuellement mauvais. Ne pas aimer un livre est un droit de l’homme, même si vous avez passé dix ans à l’écrire. 

La susceptibilité froissée est partout. Toute objection est ressentie comme une agression. Pourtant, la critique professionnelle a tendance à être gentillette, normalisée par le marché. De même qu’on ne verra jamais un féminin critiquer une marque de fringues, à la télé, la promotion a remplacé la critique. 

Un élu prend le risque d’être battu, un chef celui qu’on n’aime pas ou moins ses plats. Pardon d’être mesquine, mais à 500 euros le repas, le droit de râler devrait être compris dans l’addition.

 

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