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Le regard libre d'Elisabeth Lévy - Gratitude à tous les étages, gratitude nulle part

Le 14 juillet, certains rêvent de voir nos soignants défiler aux côtés de nos soldats. Cette rétribution va dans le sens de la distribution des médailles en chocolat par le gouvernement. Seulement, ces effusions d'union nationale seront vite évaporées, comme toujours. Et peut-être même évacuées dans les lacrymogènes lorsque les soignants iront dans la rue prochainement.

Tous les matins à 8h15, le regard libre d'Elisabeth Lévy dans le Grand Matin Sud Radio.

 

Emmanuel Macron a décidé que le 14 juillet serait une nouvelle occasion de remercier les Français qui se sont mobilisés. 

Le syndrome “nounours et bougies” a encore frappé. On verra donc des blouses blanches défiler avec les uniformes sur les Champs-Élysées. 

Pour ceux qui ne pourront pas défiler, chacun aura sa médaille et son petit compliment, des agriculteurs aux éboueurs, des professeurs aux caissières.  Dans la promotion unique de la Légion d'honneur et de l'Ordre national du mérite, basée sur la "médaille de l'engagement face aux épidémies" de 1884. Pas de médaille de la quatrième ligne, donc, pour ceux qui ont tenu bon à l’arrière depuis chez eux. Mais il est encore temps. 

N’ai-je donc aucune gratitude ? 

Si, j’en ai aussi pour ma boulangère qui fait du pain tous les jours mais si je passais mon temps à la remercier, elle me prendrait pour une dingue. 

Il y a quelque chose de ridicule et de fabriqué dans ce déluge de sentimentalité. Nous remercions en cadence mais notre gratitude dure ce que durent les roses. Souvenez-vous combien on célébrait les policiers en 2015, et agressés et insultés aujourd’hui. 

Nous prenons ces effusions pour l’expression de l’union nationale. En réalité, nous nous applaudissons en train d’applaudir. Nous sommes heureux de nous voir si bons dans le miroir de l’épidémie. Mais tout cet amour risque de tourner au vinaigre, voire au gaz lacrymo à la rentrée quand tous ces héros demanderont à être rétribués autrement qu’en symboles. 

Mais le 14 juillet, on célèbre l’unité nationale ! 

Le 14 juillet, on célèbre la nation en armes - c’est la fête de l’armée. Beaucoup aimeraient la transformer en cérémonie civile. La volonté de démilitariser la mémoire française n’est pas nouvelle : le 8 mai, on fête désormais l’amitié entre les peuples plutôt que nos combattants.

La métaphore de la guerre contre le coronavirus va dans le même sens. Si la guerre est partout, elle n’est nulle part. Si nous sommes tous des héros, nous ne sommes plus de héros. Avec tout le respect que l’on doit aux soignants, ils n’étaient pas dans les tranchées en 1917. 

La politique ne peut pas se contenter de soigner. La vraie guerre n’a pas disparu de notre horizon. Puisqu’on en est aux remerciements, je tiens à rendre hommage à :

  • Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello, du commando Hubert, morts au Burkina Faso en mai 2019 en libérant des otages. 
  • Kevin Clément, légionnaire mort au combat au Mali le 5 mai, au moment où je râlais pour l’ouverture des plages. Alors oui, merci à ceux qui s’occupent de notre santé. Mais le 14 juillet, rendons d’abord un hommage à ceux qui défendent notre liberté.
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