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Entrée payante dans les cathédrales ? Il y a des choses qui ne doivent pas être monétisées

On peut s’amuser à calculer un prix de la vie, comme on calcule un prix du temps, mais mettez les corps aux enchères, prenez les décisions médicales sur le fondement du prix de la santé ou de la vie, et vous verrez quelle société nous allons fabriquer.

 

L’Église manque d’argent. Au lieu de faire la quête à la messe, elle pourrait tarifer la communion ou le pardon des pêchés, comme du temps du commerce des indulgences, plus ou moins cher selon la gravité des pêchés. Avec le commerce des indulgences, l’Église vendait la promesse du paradis contre espèce sonnante et trébuchante.

Elle perdait son âme dans ce commerce et pour une Eglise, l’âme, c’est quand même ce qu’il y a de plus précieux. Elle y perdit une partie de ses fidèles, partis au protestantisme.

On peut tout acheter et tout vendre, on peut tout mettre aux enchères, mais il ne faut pas le faire. Il y a des choses qui ne doivent pas être monétisées parce que ça les abîmes. Le don de soi dans la sphère familiale, l’amour d’une mère, ça ne se marchande pas, l’amour filial non plus, l’honneur pas davantage, l’honnêteté, le patriotisme, la dignité, l’estime de soi… Tout ce qui fait tenir debout une personne, tout ce qui fait tenir ensemble une société, tout ce qui fait la différence entre une civilisation et les formes les plus insidieuses de barbarie.

L’appât du gain est un puissant moteur du développement. Mais l’économie est un mélange d’activités marchandes et non-marchandes, de gratuité et de cupidité, de générosité et d’égoïsme.

Un Prix Nobel d’économie faisait remarquer un jour qu’un individu qui épouse sa femme de ménage faisait baisser le PIB. Un autre économiste a dit aussi, en forme de boutade mais de façon tout a fait fondé : ‘Si tous les maris divorçaient et réembauchaient leur épouse comme femme de ménage, le PIB doublerait.’ Normal, on ne compte pas ce qui n’a pas de prix mais qui, pourtant, a beaucoup de valeur. Le PIB augmenterait mais le bien-être, lui, diminuerait.

On peut s’amuser à calculer un prix de la vie, comme on calcule un prix du temps, mais mettez les corps aux enchères, prenez les décisions médicales sur le fondement du prix de la santé ou de la vie, et vous verrez quelle société nous allons fabriquer.

On peut se dire qu’il est normal qu’un visiteur prenne sa part de l’entretien du monument qu’il visite. Quand il visite un château, quand il va au musée ou au théâtre, il paie. Mais une cathédrale n’est pas un château, un musée, un théâtre, un cinéma. Ce n’est pas un monument comme les autres. Ce n’est pas une salle de spectacle, elle appartient au registre du sacré. Même le non-croyant qui la visite ne peut échapper à cette sensation particulière que procure un lieu où des gens prient depuis des siècles.

Cet effet du sacré se mesure aussi à la façon dont la cathédrale modèle le paysage. Ce sont les mots de Péguy à propos de la Cathédrale de Chartres : "2000 ans de labeur ont fait de cette terre un réservoir sans fin pour les âges nouveaux. 1000 ans de votre grâce ont fait de ces travaux un reposoir sans fin pour l’âme solitaire. On n’entre pas dans un tel lieu en payant un ticket. Croyant ou non-croyant, on y entre pour y chercher et parfois pour y trouver une sorte de grâce. La cathédrale est un bien commun, offert en partage à tous les hommes. Il faut de l’argent pour la réparer, soit. Mais imaginons un instant ce qu’elle rapporte. Elle n’enrichit pas que l’âme, elle fait aussi marcher le tourisme et le commerce. Quand on dépense pour elle, on investit. C’est de l’argent des impôts bien placés. Allez, elle rapporte assez. Soignons-la bien, faisons-la vivre et laissons tous ces maudits tickets à la porte, avec lesquels nous aurons plus à perdre qu’à gagner, pour l’âme comme pour la prospérité."

Écoutez la chronique d'Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio, présentée par Patrick Roger et Sophie Gaillard

 

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