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Emeutes en Nouvelle-Calédonie: la justice refuse de dépayser le volet judiciaire

La justice a rejeté la demande de dépaysement de la procédure visant des militants indépendantistes accusés d'avoir orchestré les émeutes en Nouvelle-Calédonie, une décision critiquée par leurs avocats qui se tournent vers la Cour de cassation.

Delphine MAYEUR - AFP

La justice a rejeté la demande de dépaysement de la procédure visant des militants indépendantistes accusés d'avoir orchestré les émeutes en Nouvelle-Calédonie, une décision critiquée par leurs avocats qui se tournent vers la Cour de cassation.

"L'ensemble des arguments qui ont été soulevés, de mon point de vue, ne sont pas des arguments pertinents", a estimé le procureur général de la cour d'appel de Nouméa, Bruno Dalles, lors d'une interview jeudi à la radio locale RRB.

La procédure vise des responsables de la Cellule de coordination des actions de terrains (CCAT), et la demande de dépaysement avait été déposée par huit des treize mis en examen, qui dénoncent des violations répétées de la présomption d'innocence.

Le procureur général a réfuté les accusations de partialité formulées par ces avocats, rappelant que "tout le débat, c'est de savoir si la CCAT est, en totalité ou en partie, une organisation criminelle".

Ce refus "n'est pas une surprise" et "le procureur général ne répond utilement sur aucun des points soulevés", ont réagi dans un communiqué dix avocats des militants, indiquant saisir le procureur général près la Cour de cassation.

- "Sensibilité de la procédure" -

A partir du 13 mai, la Nouvelle-Calédonie a été en proie à des violences d'une ampleur inédite depuis la quasi-guerre civile des années 1980. Onze personnes, dont deux gendarmes, ont été tuées, des centaines de personnes blessées et les dégâts matériels sont colossaux, estimés à au moins 2,2 milliards d'euros.

Les tensions restent vivent et les restrictions de vente d'alcool, le couvre-feu et l'interdiction des rassemblements sont toujours en vigueur dans cet archipel du Pacifique sud.

Depuis le 19 juin, 13 militants indépendantistes ont été interpellés, dont sept sont actuellement incarcérés. Cinq le sont dans l'Hexagone, dont Christian Tein, le leader de la CCAT, récemment désigné président du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), alliance indépendantiste.

Christian Tein, leader de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), assiste à la première assemblée générale de l'organisation qui se tient à la tribu d'Azareu à Bourail, en Nouvelle-Calédonie,  le 14 juin 2024

Christian Tein, leader de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), assiste à la première assemblée générale de l'organisation qui se tient à la tribu d'Azareu à Bourail, en Nouvelle-Calédonie, le 14 juin 2024

Delphine MAYEUR - AFP/Archives

Les autorités reprochent à ce collectif informel né en novembre 2023 d'avoir organisé les violences qui secouent l'archipel en écho au vote à Paris d'une réforme électorale accusée par les indépendantistes de marginaliser la population autochtone kanak.

Le transfert en métropole de certains militants avait été organisé au cours d'une nuit au moyen d'un avion spécialement affrété, avait indiqué le procureur de la République Yves Dupas, arguant de la "sensibilité de la procédure" et de la nécessité de poursuivre les investigations "de manière sereine, hors de toute pression ou concertation frauduleuse".

Les personnes interpellées ont été mises en examen notamment pour complicité de tentative de meurtre, vol en bande organisée avec arme, destruction en bande organisée du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime.

Le transfert de plusieurs d'entre eux dans l'Hexagone avait entraîné une nouvelle vague de violences.

Une pancarte "Kanaky ma terre" sur un barrage routier indépendantiste à Houaïlou, sur la côte Est de la Nouvelle-Calédonie, le 1er juillet 2024

Theo Rouby - AFP

Six des 13 personnes mises en examen sont sous contrôle judiciaire, deux d'entre elles étant assignées à résidence en métropole pour six mois.

Les avocats de huit mis en cause avaient déposé une requête au procureur général de la cour d'appel de Nouméa pour dénoncer, selon leurs termes, "la concurrence d'intérêts politico-judiciaires ne permettant pas de garantir le déroulement d'une information judiciaire respectant les principes d'indépendance et d'impartialité".

Ils visaient de "nombreuses déclarations publiques du procureur de la République aux termes desquelles la CCAT serait nécessairement la +responsable+ des actions commises en Nouvelle-Calédonie en violation du principe de la présomption d'innocence".

Me François Roux, conseil du FLNKS, avait rappelé en déposant la demande de dépaysement que le haut-commissaire de la République - représentant de l'Etat en Nouvelle-Calédonie - avait traité les mis en cause de "voyous et de mafieux".

En juillet, les magistrats du siège du tribunal judiciaire de Nouméa avaient adopté en assemblée générale une rare motion demandant à ce que soit dépaysé ce dossier d'"une grande complexité et surtout d'une grande sensibilité politique".

"Le maintien de la gestion d'un tel dossier" au tribunal de Nouméa "interroge" à la fois "en termes de sécurité et de sûreté des sites et des personnels" et "en termes de sérénité et de bonne administration de la justice", disait ce texte, révélé par le journal Le Parisien. Les magistrats notaient également que par le passé sur ce territoire, "des dossiers aussi sensibles voire moins", avaient fait l'objet de dépaysement.

md-cm-al-mdh/bfa/tes

Par Mathurin DEREL et Charlotte MANNEVY / Nouméa (AFP) / © 2024 AFP

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