Le parti de droite LR a confirmé lundi qu'il devrait bien être du gouvernement de Michel Barnier. Mais pour le nouveau Premier ministre, la formation d'une équipe qui doit aussi comprendre des "gens de gauche" et "peut-être" des sortants reste un défi face à une Assemblée nationale fracturée.
Le nouveau locataire de Matignon, qui n'a pas manqué de critiquer Emmanuel Macron par le passé, entend mettre sa patte sur cette équipe, alors que le chef de l'Etat a promis de se tenir davantage en retrait.
D'abord réticente à rejoindre le gouvernement, la droite - dont M. Barnier est lui-même issu - s'apprête à franchir le pas: "le Premier ministre me semble avoir fait siennes nos propositions et je crois que nous pourrons participer au gouvernement", a résumé le président (LR) du Sénat Gérard Larcher dans un entretien au Figaro publié lundi soir.
Au-delà, les contacts restent à nouer avec la majorité macroniste sortante: dans cette optique, Michel Barnier doit se rendre mardi à Rosny-sur-Seine, où il aura à 19H00 un premier échange avec les députés du groupe Ensemble pour la République (EPR, ex-Renaissance), en marge de leurs journées parlementaires.
Il fera également le déplacement mercredi à Reims, où se réunissent les élus du parti d'Edouard Philippe Horizons, et en Seine-et-Marne, pour y rencontrer les députés Modem. Puis il pourrait aller plus tard dans la semaine en Savoie et Haute-Savoie, où se rassemblent ceux des Républicains (LR).
"Le président va présider et le gouvernement gouverner", avait assuré vendredi Michel Barnier, désireux de plus "d'indépendance", y compris sur la formation du gouvernement, sûrement au centre de son déjeuner de travail lundi avec le président.
Mais le Premier ministre, qui ne dispose pas de majorité absolue à l'Assemblée nationale, devra veiller aux équilibres d'une fragile coalition parlementaire, qui devrait reposer sur le bloc macroniste (EPR, Horizons, MoDem), la droite et le groupe centriste Liot (Liberté, Indépendants, outre-mer, territoires).
Il s'agit donc pour lui de renouveler une équipe sans doute élargie sur la droite --il a lui-même promis des "ruptures"-- tout en l'ouvrant à la gauche et sans braquer l'extrême droite. Une gageure.
Il a poursuivi lundi ses consultations en recevant les représentants du groupe Liot qui ont fait valoir leurs priorités sur "la décentralisation, les territoires, le pouvoir d'achat, la santé et la sécurité".
En retour, le Premier ministre a marqué une volonté de "changer de politique" et de "méthode", avec "plus de travail et moins de communication", selon les députés du groupe Liot Stéphane Lenormand et Christophe Naegelen. Il a admis qu'il était à Matignon "en CDD et que la durée serait peut-être courte" s'il ne trouvait pas de majorité, a ajouté M. Naegelen.
- "Rupture" -
Sur les postes régaliens, qui relèvent dans l'usage du domaine "réservé" du président de la République, sa marge de manoeuvre pourrait être faible.
Au prestigieux Quai d'Orsay, deux macronistes sont en lice.
L'actuel occupant Stéphane Séjourné aimerait rester. Mais le ministre de l'Intérieur démissionnaire Gérald Darmanin ne cache pas son intérêt pour le poste.
A moins que le match aboutisse à un troisième homme (ou femme) si le locataire de Matignon voulait marquer une "rupture".
Le ministre des Armées Sébastien Lecornu, issu de la droite et qui attendait de voir la couleur politique du Premier ministre, pourrait envisager de rester. L'actuelle ministre du Travail et de la Santé Catherine Vautrin rêve aussi d'un poste régalien.
L'éducation et la santé, étendues par Emmanuel Macron à son pré carré mais aussi érigées en "priorités" par Michel Barnier, sont convoitées par des figures de droite.
Philippe Juvin, médecin et patron des Républicains dans les Hauts-de-Seine, se verrait bien à la Santé, comme Annie Genevard, numéro deux du parti Les Républicains, citée pour l'Education.
- RN arbitre -
Le nom de Rachida Dati, ministre démissionnaire de la Culture mais dernière débauchée à droite par Emmanuel Macron, circule pour occuper le poste de porte-parole.
Un autre poste sera délicat à pourvoir: celui des Finances, dans un contexte de dérapage du déficit public.
L'idée première de l'Elysée était de trouver un ministre non partisan, selon un ancien conseiller, comme le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau.
Autre défi de taille pour Michel Barnier: trouver des personnalités venues de la gauche, qui est déjà prête à le renverser, y compris au sein d'une partie de la macronie.
Quant au Rassemblement national, accusé d'avoir été indirectement l'arbitre de la nomination de Michel Barnier, il ne le censurera pas d'emblée mais ses responsables écartent déjà certains noms.
"Ça n'aurait pas de sens que M. Barnier (...) nomme un ministre qui nous a insultés", a affirmé dimanche le député RN Jean-Philippe Tanguy, citant le cas du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti. Il a évoqué en revanche des "personnes compétentes à gauche", comme l'ancien ministre de l'Economie Arnaud Montebourg.
Par Anne RENAUT / Paris (AFP) / © 2024 AFP