Opération "mairie fermée", écharpes noires et conférences de presse démultipliées au Congrès des maires: le monde des élus locaux n'a jamais été autant en ébullition face à un projet de budget accusé de menacer l'investissement et les services publics.
Sur le répondeur téléphonique d'une mairie du Gard, le message tourne en boucle: "La mairie de Cendras participe à l'opération +Mairie fermée+ du 19 au 21 novembre portée par l'Association des maires ruraux du Gard".
Pour protester contre l'austérité des mesures budgétaires prévues pour les collectivités en 2025 par le précédent gouvernement, reprises par le nouveau, une cinquantaine de mairies du département participent à l'opération.
"L'idée de nous faire porter la responsabilité de la dette me met en colère", déplore auprès de l'AFP Sylvain André, maire de cette commune de 1.600 habitants.
"Dans nos mairies, nos budgets sont à l'équilibre. Nous sommes comme un ménage, on ne dépense pas ce que l'on n'a pas. Pour chaque projet, le banquier nous donne un accord ou pas", s'énerve-t-il.
Une contribution de "cinq milliards d'euros" est demandée aux collectivités, dont trois milliards aux 450 plus grandes, mais les associations d'élus évaluent plutôt la facture à 11 milliards d'euros.
A Paris, le Congrès des maires qui se tient jusqu'à jeudi est l'occasion de toutes les revendications, alors que plus de 10.000 élus locaux sont annoncés, ainsi qu'une vingtaine de ministres dont le Premier d'entre eux, Michel Barnier, au discours très attendu en clôture de l'événement.
Après une photo commune de 5.000 maires arborant l'écharpe noire mardi, une centaine d'élus socialistes se sont réunis mercredi derrière une banderole sur laquelle était inscrit "Ecole, police, soignants, associations... On supprime quoi ? Non à la casse des services publics".
Dans une rare conférence de presse commune, huit associations d'élus ont également réitéré leur opposition aux restrictions budgétaires.
"Les mesures proposées sont des mesures récessives qui, à la fin, auront un effet récessif sur les rentrées budgétaires de l'Etat", a averti le président de l'Association des maires de France (AMF) David Lisnard.
- "Signes décourageants" -
"Dans nos villes populaires, il y a beaucoup d'inquiétudes sur ce budget. Ca va impacter lourdement les habitants, mais également les associations qui sont (...) la vie démocratique et la vie sociale dans nos communes", a prévenu de son côté Gilles Leproust, président de Ville et Banlieue.
"On nous qualifie souvent d'amortisseurs sociaux. Quand on enlève les amortisseurs, quand il y a un crash démocratique, c'est le risque qui est devant nous, ça fait très mal", a alerté Christophe Bouillon, président de l'Association des petites villes de France.
Jean-François Debat, président par intérim de Villes de France, l'association des villes moyennes, dénonce en particulier "la brutalité" et le côté "totalement excessif, violent", de la méthode suivie par le nouveau gouvernement.
D'autres craignent des répercussions sur le moral et les motivations des élus. "Ces ponctions seraient un élément de plus qui envoie des signes décourageants aux équipes municipales. Dans un an et demi, c'est le renouvellement, et il faut que ceux qui vont vouloir se présenter se disent qu'ils pourront agir", juge Sébastien Gouttebel, représentant des maires ruraux.
Selon la ministre du Partenariat avec les territoires Catherine Vautrin, 2.400 maires ont démissionné depuis le début de leur mandat en juin 2020. "C'est 40 de plus par an lors de ce mandat", a-t-elle déclaré à la presse mercredi.
D'après les chiffres officiels tirés du Répertoire national des élus, les démissions sont passées de 485 en moyenne par an lors du précédent mandat à 529 lors de celui-ci.
Des chiffres à prendre toutefois avec précaution, prévient le ministère, compte-tenu d'un changement des modes de calcul en 2021.
Venu au secours des maires, le président du Sénat Gérard Larcher a réitéré son intention de vouloir limiter l'effort des collectivités à "2 milliards et de réaliser les 3 milliards d’économies ailleurs".
"Le sujet global du gouvernement, c'est de ramener le déficit public à 5% (...) Après si en échangeant avec les parlementaires, on arrive à trouver des économies ailleurs et à moins faire d'économies avec les collectivités, pourquoi pas ?", lui a répondu Catherine Vautrin.
Par Hélène DUVIGNEAU / Paris (AFP) / © 2024 AFP