En première ligne des manifestations d'agriculteurs mercredi, au troisième jour de mobilisation de la profession, la Coordination rurale a provoqué un échange avec le chef du gouvernement mais a dû lever son barrage à la frontière espagnole.
Le blocage de l'autoroute A9 au Boulou, dans le sens Espagne-France, installé mardi par les agriculteurs de la Coordination rurale (CR), a été levé à la mi-journée, a-t-on appris auprès de la gendarmerie.
La CR avait annoncé être là "pour tenir longtemps" mais disait mercredi matin attendre "des relais".
"On est très satisfait, on a tenu 24 heures", a affirmé à l'AFP Benjamin Bajada, président de la Coordination rurale de l'Hérault.
La CR a mené d'autres actions mercredi, en particulier dans le Sud-Ouest où elle a ciblé des centrales d'achat et magasins de la grande distribution.
Un convoi de tracteurs, parti d'Agen en direction de Bordeaux, a fait étape sur le parking d'un magasin Leclerc à Marmande (Lot-et-Garonne), déversant pneus, bidons et citerne en plastique devant les entrées.
"Aujourd'hui, le consommateur est volé et nous aussi, ces marges abusives de la grande distribution, ça suffit!", a lancé José Pérez, coprésident du syndicat en Lot-et-Garonne, qui avait commencé la journée en téléphonant au Premier ministre.
"Vous n'avez pas besoin de me convaincre de l'urgence, l'extrême urgence et du désarroi des agriculteurs", a déclaré Michel Barnier lors de cet entretien capté par les caméras de plusieurs médias dont l'AFP.
Le chef du gouvernement a par ailleurs appelé le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, pour lui assurer notamment, selon Matignon, que toutes les promesses gouvernementales seraient tenues.
- Bientôt un 2e round -
Ce nouvel épisode de manifestations agricoles intervient à quelques semaines d'élections professionnelles. La CR, deuxième syndicat du secteur, compte à cette occasion briser l'hégémonie de l'alliance majoritaire FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA).
Ces syndicats frères ont aussi manifesté en début de semaine, avec des actions symboliques comme l'allumage de "feux de la colère" à la nuit tombée, pour "faire bouger les lignes" et empêcher la signature d'un projet d'accord de libre-échange entre l'Union européenne et des pays latino-américains du Mercosur.
FNSEA et JA avaient prévenu qu'ils se mobiliseraient jusqu'à la mi-décembre contre le Mercosur, contre les normes selon eux excessives et pour un meilleur revenu.
Arnaud Rousseau a annoncé mercredi que les prochaines manifestations auraient lieu la semaine prochaine, "mardi, mercredi et jeudi", "pour dénoncer les entraves à l'agriculture".
C'est aussi le thème d'une proposition de loi sénatoriale, qui reprend des revendications de la FNSEA comme le retour de l'acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, réclamé par les producteurs de noisettes et de betteraves à sucre. Nocif pour les pollinisateurs, il est interdit en France mais utilisé dans d'autres pays de l'Union européenne.
"L'objectif est encore une fois de mettre la pression pour dénoncer aujourd'hui ce qui n'est pas acceptable. Et, je le redis, toujours dans le respect des biens et des personnes", a poursuivi Arnaud Rousseau, tenant à se distinguer des actions organisées par la CR.
Déchets déversés devant des préfectures, forçage de l'entrée d'un local de l'Office français de la biodiversité, blocage de la circulation depuis l'Espagne: les modes de protestation choisis par la CR lui ont valu mercredi un rappel à l'ordre de la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard.
Les "actes de dégradation, de blocage à la frontière espagnole" lors de manifestations de la CR ne sont "pas acceptables" et risquent d'entamer la "sympathie" des Français envers la profession, a-t-elle estimé sur France 2.
A la tête de trois chambres d'agriculture (Lot-et-Garonne, Vienne, Haute-Vienne), la CR entend en "prendre 15 à 20" à la FNSEA à l'issue des élections professionnelles de janvier, qui détermineront la gouvernance de ces chambres et les subsides versés à chacun.
Troisième syndicat représentatif, la Confédération paysanne a aussi organisé des actions, à Rouen et près de Rennes, pour dénoncer tous les traités de libre-échange.
En Ille-et-Vilaine, une dizaine de militants se sont rassemblés devant un site du géant des huiles Avril, une manière de viser aussi le patron de la FNSEA qui préside ce groupe, symbole selon eux d'un syndicat majoritaire servant les intérêts de l'agro-industrie.
Par Myriam LEMETAYER avec les bureaux de l'AFP / Paris (AFP) / © 2024 AFP