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Yannick Bru : "Le rugby a du mal à vivre sa phase de croissance"

Par Jérémy Jeantet

L’entraîneur des avants du XV de France fait le bilan du Tournoi des 6 Nations au micro de Judith Soula pour Sud Radio. Et revient sur la guerre qui agite les instances du rugby, entre la Fédération et la Ligue.

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Sud Radio : Quel bilan faîtes-vous de ce Tournoi ?

Yannick Bru : Une dynamique positive, on a une impression de progression, avec des fondations de notre jeu qui sont très solides, un groupe de joueurs qui affiche un caractère toujours plus fort. Maintenant, il y a une somme de détails qu’il faut régler, c’est ce qui nous sépare des meilleurs nations du monde.

Après le test en Irlande, Guy Novès avait déclaré ‘On stagne’. Ce match a été une désillusion ?

On était frustré d’avoir enchaîné trois défaites de peu, après le match contre l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Angleterre. On misait beaucoup sur ce match. Les joueurs, le staff se sentent au niveau. On a envie de battre les meilleurs et ça a été une désillusion de plus. On avait énormément de frustration. Maintenant, un peu plus à froid, on n’a jamais déshonoré le maillot, on a toujours perdu les armes à la main. Les deux victoires en fin de tournoi ont fait beaucoup de bien.

 

Qu’est-ce qui manque pour battre ces nations ?

Il nous manque cette froideur et cette détermination qu’on a eue sur le dernier ballon contre le Pays de Galles. Il y a un sentiment d’à peu près qui fait qu’on doit attendre d’être au bord du précipice en fin de match pour retrouver une rigueur digne des meilleurs.

Un problème d’alternance dans le jeu, également ?

On s’est penché sur cette question après l’Irlande. Contre les Gallois, on a effectué beaucoup plus de jeu au pied de pression et d’occupation. Il y a eu du jeu au pied. Maintenant, dans l’exécution et la réalisation, on est encore derrière les meilleurs parce que le jeu est soit trop long, soit trop court, on manque de combat au point de chute du ballon. Je reviens à l’exigence technique qui fait qu’on doit redoubler d’efforts.

Est-ce que vous ne regrettez pas qu’on n’ait pas plus joué dans l’axe ?

C’était une consigné donnée à la mi-temps. Sous la pression du match, on n’a pas su le mettre en application sauf sur cette fin de rencontre où on a développé de la puissance dans les rucks et dans les zones proches. C’est une forme de jeu qu’on pratique peu parce que peut-être étions nous portés par un jeu de passe, fait de vitesse sur l’extérieur. Mais c’est un de nos chevaux de bataille. On sait que l’efficacité dans le rugby vient de l’alternance. Il faut qu’on dispose de toutes ces armes de façon plus pragmatique. Les joueurs l’ont fait en fin de match, il faut les saluer pour ça.

Cette victoire contre le Pays de Galles peut être le point de départ d’une aventure ?

Je rajouterais cette tournée en Argentine. Les joueurs se sont rendus compte qu’ils pouvaient le faire et de l’exigence qu’il faut avoir pour renverser ces nations. Les joueurs ont mesuré ce qu’il fallait mettre dans la bataille pour faire basculer ces situations. Je pense que ce sera un repère important et j’espère qu’il y aura confirmation en Afrique du Sud.

Quel est le joueur qui vous a séduit ? Attendiez-vous un Fabien Sanconi à ce niveau ?

S’agissant de Fabien, c’est un joueur promis à un bel avenir à condition qu’il fournisse les efforts nécessaires. Il a le physique, il a le mental. C’est un rude. Il a beaucoup de paramètres qui lui permettront d’être un grand joueur. Il est le futur de l’équipe de France à condition qu’il fournisse les efforts. On savait qu’il rivaliserait. Il a été très rapidement dans le rythme. Il nous a un peu bluffé par sa rudesse. Mais lui parmi d’autres. Cyril est une belle confirmation. Au poste de pilier gauche, on a perdu Poirot, puis Ben Arous. Il y a des forces vives dans le rugby français. Il n’y a pas de miracle si ce paquet d’avants commence à être dominant. Ce sont des joueurs qui sont là depuis plusieurs années, qui ont connu des galères et qui veulent être dominants à ce niveau-là. Tout ça ne s’est pas construit en un jour. Souvenez-vous des critiques. On a un ensemble de garçons qui connaissent la musique. Cyril s’inscrit là-dedans. Il est jeune, il a du potentiel, il connaît l’exigence. Il n’est pas arrivé, il va falloir qu’il affronte le retour de Jeff Poirot. C’est cette émulation qui fera notre force.

Vous, staff de l’équipe de France et joueurs, est-ce que la guerre entre la FFR et la LNR perturbe la vie du groupe de l’intérieur ?

L’annonce de cette fusion ratée, le timing n’était pas super parce qu’on avait un match crucial contre les Gallois. Hormis ce problème, on est assez étranger à ces guéguerres. Bizarrement, on a bénéficié à plein du confort de la nouvelle convention. Si on n’avait pas eu ces huit semaines de vie commune, on n’aurait pas gagné contre les Gallois, c’est certain. J’ai vu de la progression dans pas mal de secteurs grâce au temps passé ensemble. Nos relations avec les staffs des clubs sont excellentes. On est à côté de ces combats politiques. On les laisse se dérouler.

Trouvez-vous le rugby malade ?

Le rugby a du mal à vivre sa phase de croissance. Mais en titrant comme ça, il fallait aussi cracher sur l’inflation des contrats, l’argent qui est arrivé. Je ne veux pas cracher sur ce qu’on a accueilli à bras ouvert. On est bien content d’être payé à la fin de chaque mois. L’argent n’a pas amené que des bonnes choses, il y a des équilibres à trouver. Il faut essayer de gommer ces excès. Je reste un peu plus mesuré dans l’analyse. Les excès sont toujours mauvais, quels qu’ils soient. Ça fait le buzz, ça fait vendre des journaux, donc ça crée la dynamique du business aussi. Oui il y a des excès, oui on vit une phase de croissance compliquée, mais on a accueilli cet argent à bras ouvert. Je ne suis pas sûr qu’un retour 10 ans en arrière leur fasse plaisir au niveau du salaire mensuel.

Après sa troisième place dans le Tournoi, la France est 6e rang mondial. Est-ce que c’est sa vraie place ?

Chaque fois qu’on perd, on perd de peu. Chaque fois qu’on gagne, on gagne de peu. Je pense qu’on est très près du podium. Entre la 3e et la 6e place, on est à notre rang. Vous prenez chaque joueur de l’équipe nationale, vous le confrontez à la concurrence directe à son poste sur l’échiquier mondial. Tant qu’on aura pas plus de la moitié de l’équipe dans les trois meilleurs mondiaux, forcément, notre collectif se trouvera à ce niveau-là. Les joueurs doivent regarder tout en haut, se comparer à leur référence mondiale, essayer de dépasser ces références. Les progrès du collectif ne se feront que par la progression individuelle des joueurs, dans leur club d’abord et avec l’équipe nationale ensuite. C’est à ce prix de sacrifices individuels qu’on aura une équipe de France qui retrouvera le podium mondial.

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