Séjour à haut risque en terre Corse pour Emmanuel Macron. Séjour qui commence un 6 février, 20 ans jour pour jour après l’assassinat du préfet Claude Erignac. Le président de la République lui rend hommage aujourd’hui à Ajaccio.
L’occasion de revenir sur les coulisses politiques d’une enquête cruciale... pour le destin de Nicolas Sarkozy. Secret d’histoire présidentielle en quelque sorte.
Nous sommes en 2003. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, a promis à la veuve du préfet qu’ il arrêtera l’assassin de son mari.
Il donne pour consigne à son directeur de cabinet, Claude Guéant, de mener l’enquête.
C'est inédit.
C’est donc du ministère que l'enquête est réorganisée. Une guerre des polices mine le dossier entre ceux qui lancent des pistes, à l’étranger ou même à EuroDisney.
Des policiers déguisés en Minnie et Mickey se sont même retrouvés dans une filature surréaliste.
Aux côtés de Guéant, Bernard Squarcini, numéro deux des RG, est persuadé que le suspect Yvan Colonna est caché dans le maquis corse.
Tous les moyens sont déployés : drones, faux couples de touristes, matériel d’écoute...
Yvan Colonna est repéré et Nicolas Sarkozy donne le feu vert pour l'opération du raid.
Lorsque Guéant lui apprend la nouvelle, le 23 juillet 2004, dans le vestiaire d’un gymnase, Nicolas Sarkozy est à Carpentras et s’apprête à entrer en meeting. Il annonce lui-même la nouvelle.
Ce soir-là, un candidat à l'élection présidentielle a pris son essor.
Pourtant, 20 ans après, cette enquête n'a pas encore révélé tous ses secrets.
Pourquoi, par exemple, les nationalistes n’ont-ils pas multiplié les représailles après l’arrestation de leur ami Colonna ?
Parce que le pouvoir accepte alors de respecter une des lois les plus sacrées en Corse : le code de l’hospitalité.
Les enquêteurs font remonter au ministre que si Yvan Colonna a pu échapper aussi longtemps aux enquêteurs c’est parce qu,il a bénéficié du soutien et de l’hébergement d’ une quinzaine de bergers dans le maquis.
Même s'il s’était rendu au domicile du policier chargé de l'arrêter, ce dernier aurait été obligé de l'accueillir pour la nuit.
En apprenant cela Nicolas Sarkozy veut organiser une grande vague d'arrestations, mais il en sera dissuadé. Le message passe en Corse : Yvan Colonna est arrêté mais ses amis bergers ne seront pas inquiétés.
Oui le dossier Erignac reste un des dossiers politiques les plus sensibles de l’ère moderne de la Ve République. Les relations entre le gouvernement et l'île de Beauté sont, encore aujourd’hui, à manier comme de la nitroglycérine.
Écoutez la chronique de Michaël Darmon dans le Grand Matin Sud Radio, présenté par Patrick Roger et Sophie Gaillard