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Qu'est-ce que le populisme ?

Henri Guaino évoque aujourd'hui le populisme et se demande ce que ce mot signifie réellement.

Le populisme est bien difficile à définir. C'est devenu un mot valise pour désigner tout ceux que l'on n'aime pas. Mais il y a derrière ce mot, une espèce de mépris du peuple. On appelle "populisme" tout ce que l'on appelait parfois avant "populaire". Il y a une dimension souvent démagogique dans le populisme mais il n'empêche, à force d'utiliser systématiquement ce mot à tort et à travers, on finit par donner le sentiment au peuple qu'on le méprise.

Pour faire simple, les sentiments qui ne viennent pas d'en haut mais d'en bas, sont considérés comme populistes et il faudrait donc les combattre. Essayons de comprendre ce qu'il nous arrive, en particulier à l'Europe et l'Occident. La civilisation occidentale s'est construite sur une idée d'émancipation progressive, celle de la maîtrise de son destin individuel et collectif. Et le sentiment de perdre cette maîtrise est toujours générateur de crises extrêmement graves parce que cela touche aux ressorts les plus profonds de l'Homme occidental. Or, depuis quelques décennies, tout s'est ligué pour donner l'impression que, dans le fond, le sentiment de chacun dépendait de forces anonymes dont on ne pouvait mettre en jeu la responsabilité. Par exemple, l'agriculteur dont les fins de mois dépendent du spéculateur qui spécule sur ces produits à l'autre bout du monde est quelque chose qui finit par devenir insupportable. Quels que soient les effort que celui-ci fournit, de toute façon, son sort ne dépend pas de lui.

Bien sûr, tout le monde a toujours été dépendant de tout le monde mais ce sentiment est devenu très fort alors qu'après la Seconde guerre mondiale par exemple, nous avions renoué avec ce que l'on appelait jadis "les sociétés prométhéennes", du dieu Prométhée qui apporta le feu aux hommes dans la mythologie grecque. L'Homme qui maîtrise la nature, qui maîtrise sa vie et aujourd'hui on a l'impression de ne plus rien maîtriser. On a tous les débats sur le climat par exemple. On a l'impression de ne plus maîtriser les flux migratoires et ne plus maîtriser la société dans laquelle nous voulons vivre. On a l'impression de ne plus maîtriser l'économie, l'emploi parce qu'il y a les marchés etc... Les peuples, les Français, les Européens ont l'impression d'être en dehors de la fabrication des règles, de n'avoir aucune prise. Ils ont l'impression que le monde est gouverné par des forces anonymes qui sont sur les marchés, dans les autorités indépendantes... Et ce sentiment n'a rien à voir avec la démagogie populiste, c'est une réalité. Si on ne veut pas la prendre en compte, elle nous saute à la figure.

Aujourd'hui - et l'Europe a beaucoup fait pour ça sans être responsable de tout - la façon dont nous avons construit l'Europe, c'est-à-dire dans l'entre-soi de ceux qui décident et sont soit-disant raisonnables, a mis a l'écart de plus en plus de gens qui considèrent qu'ils ne maîtrisent plus leur vie. C'est ce qui est en train de miner nos démocraties, nos sociétés en Occident et en Europe en particulier, parce que cette dernière est un continent politique où la politique avait la signification suivante : la volonté humaine dans l'histoire, cette volonté individuelle et collective de maîtriser sa vie. La politique, c'est l'instrument de la maîtrise de la vie contre tous les déterminismes et toutes les fatalités. Ce n'est pas pour rien qu'elle est née en même temps que la tragédie en Grèce.

Les peuples ont le sentiment qu'il ne peuvent plus dire NON, alors ils finissent par le dire de façon très brutale et tout ça va mal finir si l'on continue à l'ignorer.

>> L'intégralité de la chronique est disponible en podcast

 

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