À peine un mois s’est écoulé depuis qu’Emmanuel Macron est devenu président de la République, et il semble qu’une éternité se soit écoulée, tant l’actualité politique est dense, tant l’actualité est rapide. À la manière des températures, il faudra bientôt parler de temps réel et de temps ressenti. Heureusement, Michel Onfray nous propose dans un nouveau livre – mais comment fait-il pour les écrire à ce rythme ? – sinon de refaire le match, du moins de revoir le film.
Rédigé entre le 24 juillet 2016 et le 7 mai dernier, ces carnets de campagne s’intitulent La cour des miracles, et ça ressemble à un samedi soir au bowling avec Onfray dans le rôle de la boule et l’ensemble de notre personnel politique dans le rôle des quilles. Sous sa plume, Juppé est un gaulliste en peau de lapin, Mélenchon est Robespierre le petit, Macron est Antoine Pinay envieux et poupée gonflable du capital, le PC de Pierre Laurent s’offre à la France Insoumise comme une fille des rues, Hamon est un guévariste de carte postale, Peillon est un désagrégé de philo ET un idiot utile du négationnisme, Valls un traître aux yeux de tous, Marine Le Pen la fille poissarde d’un père poisseux… Bref, ça vole dans tous les sens, c’est la farandole des bourre-pifs, le miracle de la multiplication des coups de boule. Onfray est d’évidence un fervent partisan du cumul des mandales, ça dynamite, ça disperse, ça ventile, ça éparpille façon puzzle. Reconnaissons-le : ça réjouit souvent, mais La cour des miracles n’évite cependant pas quelques écueils.
Michel Onfray a complètement marginalisé BHL et les autres qui ne sont plus des philosophes mais des faire-valoir. Mais il arrive que le comportement bagarreur de l’auteur de Michel Onfray le fige dans la posture du père tape dur : ni round d’observation dans ce combat de boxe ni round tout court. Il frappe sans répit ni relâche. L’ouvrage aurait sans doute gagné à quelques changements de rythme et de registre. On préférerait parfois un Michel Onfray moins puncheur et davantage philosophe. On se serait aussi volontiers passé de certaines facilités : était-il utile d’intituler une des chroniques En plein dans le Fillon ? Et enfin l’hubris du polémiste lui fait parfois franchir quelques lignes blanches : lorsqu’il écrit sans aucun argument à l’appui que Laurent Joffrin, le patron de Libération, prend ses ordres chez Cambadélis, ou – encore plus surprenant – quand il exprime des doutes sur l’honnêteté des résultats du référendum sur Maastricht en 1992. Quel régal pour les mauvais esprits et quelle source de réflexion pour les esprits sages. La cour des miracles de Michel Onfray est paru aux éditions de l’Observatoire.
Réécoutez ici l’édito politique d’Éric Naulleau lors du Grand Matin Sud Radio