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Le rural contre le citadin, nouveau clivage marquant de la vie politique française

L’opposition entre les villes et les campagnes structure plus que jamais le débat politique en France.

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C’est sans doute LE grand clivage du moment. Au moment où s’ouvre la deuxième Conférence nationale des territoires pour faire le point sur les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales, alors que le Premier ministre réunit ses ministres à Cahors, la vie sociale et politique semble s’ordonner une fois pour toutes autour de l’affrontement entre le rural et la ville, entre les campagnes et les grands centres urbains. Deux cultures, presque deux France, entre lesquelles une fracture se creuse tous les jours davantage. Depuis le début du 19ème siècle, les campagnes se vident progressivement, et les villes se remplissent. Plus des trois quarts de la population française vit dans une agglomération de plus de 2000 d’habitants. Plus significatif : selon l’Insee, un tiers des Français vivent dans 33 000 communes comptant moins de 64 habitants au km², et un tiers dans l’une des 609 communes qui comptent 2969 habitants au km².

D’un côté, les déserts médicaux, les hôpitaux et maternités qui ferment, les classes supprimées, les emplois qui s’en vont, les arrêts de trains supprimés et les commerces qui disparaissent. De l’autre, la rente foncière, les encombrements, le stress. Pas les mêmes préoccupations, pas la même vie, pas les mêmes difficultés, pas le même vote non plus. Le rural est plus attaché à la tradition, plus conservateur par instinct de conservation, l’habitant de la grande agglomération se sent plus mondial et post-moderne. Le rural a les deux pieds solidement plantés dans sa terre et dans son village qu’il voudrait bien ne pas être obligé de quitter. Le citadin de centre-ville, lui, est en marche. Les politiciens convertis au marketing et à la segmentation des clientèles l’ont bien compris.

Différence dans la façon de parler. On ne parle pas la même langue avec le bobo et avec le paysan. Avant, il y avait la politique du rassemblement contre celle de la lutte des classes. Ce clivage – au moins pour l’instant – a vécu. Aujourd’hui, c’est le rural contre l’urbain, le rat des champs et le rat des villes. À chacun son électeur. On parle encore un peu de la classe moyenne, tout en sachant qu’il y en a plusieurs, pas forcément d’accord entre elles. On ne parle presque plus de la classe ouvrière ou des classes populaires, sauf aux deux extrémités de l’échiquier politique. Mais on cajole ou on ignore le rural, selon qu’il vote ou pas pour son propre camp. Pour le séduire, on lui promet des plans Marshall, on dit qu’on dépense trop pour les quartiers en difficulté et pas assez pour les campagnes. Déshabiller Pierre pour habiller Paul : toujours une mauvaise idée.

Depuis le grand débat sur l’aménagement du territoire lancé par Charles Pasqua en 1994, rien. On continue de tout fermer dans le rural, et on attend toujours le haut débit. En fin de compte, on aura surtout la fermeture de la gare TGV, le Ceta, et encore plus d’agriculteurs à 350 euros par mois. Pour changer les choses et tenir toutes ses promesses électorales, il faudrait changer de politique économique. Mais voilà : il y a l’OMC, l’Europe, les bien-pensants, c’est donc compliqué. Alors l’électorat rural, qui une fois de plus ne verra rien venir, se sentira trahi et il sera bien difficile de le garder. Mais aussi celui des banlieues en difficulté, qui ne verra rien venir lui non plus.

On n’éludera pas les grands choix nationaux en flattant le local, pas plus qu’en l’abandonnant à son propre sort. La politique des clientèles avec des promesses sans lendemain parce qu’on n’est pas décidé à se donner les moyens de les tenir, ça finit toujours mal.

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