single.php

La stratégie risquée d'Emmanuel Macron pour les quartiers difficiles

Taxé de 'président des riches', Emmanuel Macron se penche sur les banlieues et les quartiers réputés difficiles. Il a raison, mais pour l'instant, rien n'a été annoncé qui soit à la hauteur des sujets.

 

Nous vivons une étrange époque. Jamais, depuis la Révolution industrielle, l’argent n’a été aussi arrogant, aussi puissant et aussi fou. L’argent est roi, la finance est reine.

Tout pour l’actionnaire, la spéculation, le trader qui joue avec l’argent des autres, celui des épargnants, des retraités par capitalisation, on fait des bulles avec la nouvelle économie.

La revue Forbes, qui compte les milliardaires, en recense 2043 en 2017, totalisant 7670 milliards de dollars. Ils n’étaient que 470 en 2000 totalisant 898 milliards de dollars.

On mesure le chemin parcouru par les riches dans le monde entier. Ils fascinent, incarnent la réussite. La réussite, de nos jours, c’est la grande fortune. Bill Gates, Jeff Bezos, Mark Zuckerberg, sont des héros des temps modernes. Mais on ne sait plus très bien si c’est parce qu’ils façonnent le monde de demain avec Microsoft, Amazon ou Facebook, ou parce qu’ils ont amassé autant de milliards.

En même temps, on n’a jamais autant détesté les riches, collectivement, depuis l’époque de Zola.

Le capital, quand il se concentre autant, provoque le ressentiment de ceux qui ne l’ont pas. Si le capital financier devient la seule source de distinction sociale, le seul moyen de s’élever socialement, le capital est sûr d’avoir beaucoup d’ennemis. Et c’est le cas.

Nicolas Sarkozy, à qui on avait plutôt injustement collé cette étiquette de ‘président des riches’ parce qu’il avait des amis très riches et mettait en valeur la réussite, ne s’en est jamais remis. Emmanuel Macron est en train de vivre la même chose. Il sait que l’accusation, quand elle s’enracine dans l’imaginaire collectif, est potentiellement ravageuse.

Elle l’est d’autant plus que le même qui est fasciné par Bezos ou Zuckerberg, ou par le joueur de foot qui gagne des dizaines de millions d’euros par an, trouve aussi scandaleusement riche celui qui gagne un tout petit peu plus que lui ou celui qui a tout juste de quoi s’acheter une plus belle voiture.

Tout le monde peut être le riche de quelqu’un. François Hollande, mal inspiré, a dit un jour qu’on était riche quand on gagnait 4000 euros par mois. Allez demander à un couple dont chacun des conjoints gagne 2000 euros par mois s’il se sent riche. Mais pour un ouvrier qui gagne le Smic, à 3000 euros, on est riche.

Si on est riche à 4000 euros à deux, alors, la perception de la classe moyenne devient plus floue. Ce n’est plus, au fond, que tous ceux qui sont pris en sandwich entre les vrais pauvres qui bénéficient des aides sociales et les vrais riches qui ne sont pas obligés de compter.

Emmanuel Macron essaie de trouver autre chose. Il cherche du côté des banlieues, où on est confronté à beaucoup de détresse, mais aussi à une jeunesse qui rêve de gagner.

En réalité, Emmanuel Macron, plus que le président des riches, rêve d’être celui des gagnants. Mais à notre époque, surtout dans ces quartiers, être gagnant, c’est gagner de l’argent, et même de l’argent facile, parce que les petits trafics donnent aux plus fragiles, aux moins éduqués, le goût de l’argent que l’on gagne sans avoir à se lever le matin.

Il a raison de s’attaquer à ce problème qui mine matériellement et moralement la société et qui dresse le rural contre l’urbain. Il a raison de dire qu’on ne réglera pas ce problème par une politique spécifique de la ville, mais par une combinaison de toutes les politiques.

Sauf que, pour l’instant, rien n’a été annoncé qui soit à la hauteur des sujets, à commencer par celui de la sécurité, du respect des lois de la République et d’une école qui, dans ces quartiers, cumule tous les handicaps sociaux et culturels.

Combattre l’étiquette du président des riches par la réinsertion dans la République des quartiers réputés difficiles est à double tranchant. Si on y met de l’argent pour rien, on a contre soi tous ceux auxquels on le prend, à qui on n’en donne pas, les ruraux par exemple, et tous ceux pour lesquels on l’a dépensé pour rien. À la fin, on est toujours le président des vrais riches, ceux qui ont tout et qui se débrouillent pour ne pas payer grand chose.

C’est une stratégie risquée si on se contente de la rénovation urbaine, des permis de conduire, des emplois francs ou des zones franches.

Écoutez la chronique d'Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio, présenté par Patrick Roger et Sophie Gaillard

 

L'info en continu
00H
22H
20H
19H
16H
15H
14H
12H
11H
10H
Revenir
au direct

À Suivre
/