Et le système n’est pas facile à transformer ! Avec cette réforme, l’État fait face aux régions et compte leur retirer le contrôle sur le recensement des besoins et les formations à pourvoir : cela se traduit par des sommes considérables que les régions pourraient perdre… Actuellement, les ressources données aux régions pour l’apprentissage représentent 1723 milliards d’euros. En première ligne, les présidents de régions emmenés par Hervé Morin ont mené un bras de fer en jouant sur deux leviers. Le gouvernement ne peut creuser encore le fossé avec les régions car aux élections européennes, le soutien des élus régionaux centristes ne peut faire défaut à la liste de la majorité. Ainsi, Hervé Morin met le marché entre les mains d’Édouard Philippe : les régions gardent une partie importante de leurs ressources face aux entreprises, sinon ce sera le feu ! Le clivage habituel territoire/national se double d’une bataille régions contre entreprises.
Reste à savoir si ce scénario politique et même politicien va se réaliser. En tous cas, la fronde est lancée avec en première ligne la ministre du travail Muriel Pénicaud, l’experte à qui Emmanuel Macron a confié la tâche de la grande transformation sociale. Sauf qu’elle découvre que les deux têtes de l’exécutif, Philippe et Macron, pourraient toper avec Morin au nom de la politique ! Elle est donc au cœur du premier front au sein du gouvernement entre politiques et experts…
La semaine dernière déjà, côté patronat on s’inquiétait en coulisses des difficultés dans les négociations dues aux interférences de la politique. Et c’est là qu’il faut se remémorer les grandes phrases présidentielles du style : "Rien ne freinera ma détermination pour transformer le système". Rien, sauf des enjeux électoraux.
La réforme de l’apprentissage sera-t-elle sacrifiée sur l’autel de la politique ? Voilà bien un test crucial pour le pouvoir, au-delà des effets de tribunes et des éléments de langage.
Réécoutez en podcast l’édito de Michaël Darmon dans le Grand Matin Sud Radio