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La pédagogie de la réforme, une antienne qui tourne souvent au dialogue de sourds

Comme Alain Juppé en 1995, l'exécutif a tendance à prendre la posture du professeur pour défendre ses réformes, sans jamais envisager de remise en cause.

 

La pédagogie de la réforme, ce refrain qui revient dans la bouche de chaque ministre, chaque gouvernement, majorité après majorité, et qui tourne toujours au dialogue de sourd.

Ça me rappelle ce commissaire européen, il y a longtemps, auquel des parlementaires disaient ‘Les Français ne sont pas contents parce qu’ils trouvent que l’euro a fait baisser leur pouvoir d’achat’ et qui répondait ‘Nos statistiques démontrent le contraire’. Or, les statistiques ne démontrent, on en a déjà parlé, jamais rien en termes de pouvoir d’achat pour chacun. Tout dépend de la situation des uns et des autres.

Ça rappelle cette situation dans laquelle s’enferme beaucoup le gouvernement aujourd’hui et le président de la République en particulier. Ça rappelle, évidemment et avec obsession, la situation de 1995 et Alain Juppé disant aux internes, pendant la réforme des études médicales ‘Ils n’ont pas compris, je vais leur expliquer’ et on faisait passer un micro-trottoir et les internes répondaient ‘J’ai fait plus de 10 ans d’études après le bac, quand on m’explique une phrase, je comprends’.

Quant aux autres, aux ouvriers, aux cheminots, tous ceux qui étaient en grève l’année précédente, ils répondaient ‘Si on est là, ce n’est pas parce qu’on n’a pas compris, mais peut-être parce qu’on a trop bien compris’.

C’est un peu ce qui est en train de se passer, pas seulement avec les retraités. Sur tous les sujets, les retraités, les fonctionnaires, le pouvoir d’achat, la SNCF, on est en train de voir revenir ce discours. On voit bien le changement d’argumentaire, notamment pour le président de la République. Les autres sont plus gênés.

On a vu hier soir Gérald Darmanin tenter d’expliquer la politique budgétaire et fiscale du gouvernement. On sent qu’il y a une gêne. Le gouvernement continue d’expliquer que tout le monde va gagner du pouvoir d’achat, alors que le président de la République, depuis quelques jours, assume de dire l’inverse et que chacun va devoir faire des sacrifices.

Je reviens sur ce dialogue, qui était très emblématique, avec les retraités l’autre jour, où il dit que c’est une génération qui a beaucoup gagné et que, maintenant, il faut qu’elle paye. Il ne dit même plus ‘Vous allez gagner du pouvoir d’achat’.

Il y a de la franchise parce que c’était une impasse, mais après, on en vient à la pédagogie de la réforme. ‘Je vais vous expliquer pourquoi cette réforme est bonne pour tout le monde et bonne pour vous et si vous manifestez, c’est que vous n’avez pas compris, donc je vais vous réexpliquer.’

On ne remet jamais en question la réforme, donc on ne discute pas la réforme, on passe d’ailleurs par les ordonnances. C’est significatif de l’état d’esprit du gouvernement. On ne remet pas en cause la réforme, on ne se remet pas en cause, on n’est pas ouvert, au fond, à la négociation et aux discussions, on n’est pas en mesure de se mettre à la place de celui qui proteste et qui n’est d’accord.

On se met dans la position du professeur, de celui qui donne des leçons et qui dit ‘Ma réforme est bonne, si vous ne la trouvez pas bonne, c’est parce que vous n’en avez compris le sens’.

Ça tourne toujours au dialogue de sourd, c’est en train de tourner au dialogue de sourd. Je pense que ça va être un des plus gros problèmes d’Emmanuel Macron dans les mois qui viennent.

Écoutez la chronique d'Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio

 

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