single.php

"En incendiant ces monuments, les Communards ont permis à la bourgeoisie de se relancer"

Par Benjamin Jeanjean (avec AFP)

Historienne de l’architecture et auteur de La face cachée de la Commune, Hélène Lewandowski était l’invitée de Michaël Darmon ce samedi pour évoquer les conséquences de cet épisode historique sur le Paris d’aujourd’hui.

Thumbnail

1871. Au cœur d’une période de grands troubles politiques et au sortir d’une défaite traumatisante de la France face à la Prusse, Paris est le théâtre d’une lutte sanguinaire entre deux camps qui se disputent la mainmise sur la capitale. Historienne de l’architecture et auteur de La face cachée de la Commune, Hélène Lewandowski était l’invitée de Michaël Darmon ce samedi sur Sud Radio pour évoquer cet épisode marquant de l’histoire de la ville de Paris.

"Il y avait d’un côté Paris et les Communards, et de l’autre Versailles avec le gouvernement d’Adolphe Thiers. Entre les deux, l’armée essaye de reprendre Paris aux Communards. Échanges d’obus et combats dans tout l’ouest parisien, qui sera ravagé. Le 22 mai, l’armée a déjà récupéré un tiers de Paris, et le 23 elle arrive là où sont installés les Communards : dans les lieux de pouvoir. Ils sont 60 000 d’un côté, quatre ou cinq fois moins de l’autre. Du coup, les Communards vont partir et, en fuyant vers l’est, incendient les monuments publics dans lesquels ils sont : la Légion d’honneur, les Tuileries, l’Hôtel de Ville, le palais de justice… Une trentaine de monuments publics seront totalement incendiées, mais pendant ce temps-là il y a aussi des combats de rues ! Vous imaginez donc l’effet des mitrailleuses sur les façades, les vitrines, etc. Tout ça sous une pluie d’obus. Donc le 28 mai, quand la Semaine sanglante se termine, on a un Paris un peu dévasté, surtout dans les quartiers du centre et de l’est parisien", rappelle-t-elle.

"Un tourisme des ruines se crée à Paris dès la fin de la Semaine sanglante"

Or, cette Semaine sanglante et les incendies qui ont ravagé la ville ont directement permis au Paris moderne de voir le jour. "Dès le 29 mai, Paris retrouve la vie parisienne ! On a à nouveau des tables sur les terrasses des cafés, une vie "heureuse" des Parisiens et un tourisme des ruines. Paris ruiné devient une promenade touristique. (…) En s’attaquant à des monuments auxquels personne n’aurait jamais touché, les Communards vont offrir à la bourgeoisie l’opportunité de construire non plus des monuments que la bourgeoisie juge inutiles et chers, mais des équipements utiles : des hôtels pour accueillir les étrangers et les provinciaux, des gares pour développer le commerce, etc. Ils vont paradoxalement permettre à la bourgeoisie de se relancer. L’Histoire est souvent faite de ces pirouettes où l’on pense faire quelque chose et on arrive sur autre chose", indique Hélène Lewandowski.

Selon l’historienne, la question architecturale de Paris illustre bien la confrontation de l’époque entre deux mondes. "Il y a la disparition d’un ancien monde, celui des rois et des empereurs, et la confrontation de deux nouveaux mondes : celui des Communards, qui rêvent d’une République démocratique et sociale, et celui de la République plus modérée de la bourgeoisie, qui veut la mettre au service de ses intérêts industriels et économiques. (…) Avec l’avènement de la République en 1875, on va avoir un président de la République qui sera beaucoup moins intéressé par l’idée de laisser son empreinte sur Paris, et tant mieux car les parlementaires s’estiment responsables de la politique culturelle. C’est donc à l’Assemblée que vont se débattre tous les grands projets de réalisation sur Paris et les grands travaux. On verra s’opposer les conservateurs qui rêvent de conserver un Paris historique en forme de parcours d’histoire de l’architecture, et de l’autre côté ceux qui veulent un Paris moderne. Tout cela est encore d’actualité, car la question sous-jacente, c’est de savoir à quoi doit ressembler une capitale et si l’Histoire et le progrès peuvent cohabiter dans le même territoire", affirme-t-elle.

"Le Grand Paris ? Il y a des questions d’identité, des éléments humains"

Hélène Lewandowski a par ailleurs eu un mot au sujet du Grand Paris et de la fusion des départements de la petite couronne, nouveau grand sujet de débat parisien aujourd’hui. Selon elle, il reste des obstacles à surmonter pour que le projet sorte de terre, et pas les plus aisés… "Tout est toujours possible, mais il y a des questions d’identité. On est attaché à son territoire, à son histoire, et il faut pouvoir trouver un accord avec tous ces éléments-là, qui sont aussi des éléments humains. L’architecture, ce n’est pas que des pierres !", conclut-elle.

L'info en continu
13H
12H
11H
09H
08H
07H
Revenir
au direct

À Suivre
/