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Suicide en plein tribunal pénal international : la justice internationale, pour quoi faire ?

Mercredi, un accusé s'est suicidé au tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, au moment d'entendre son verdict.

 

Cet événement nous rappelle qu'il existe une justice pénale internationale qui s'est progressivement mise en place depuis les années 1990. Or, cette justice à laquelle nous nous sommes habitués n'a rien d'évident, ni dans ses fondements, ni dans ses effets.

Elle procède de la vieille idée du dépassement des nations et, par conséquent, de la politique et même de la démocratie, par le droit.

Dans les années 1920, la Société des Nations incarne cet idéal, avec les résultats que l'on connaît.

Elle prévoit la création de la cour internationale de justice qui tranche les litiges entre États.

Le premier véritable tribunal pénal international est celui créé en 1945 par les Alliés pour le procès de Nuremberg, premier procès des crimes contre l'Humanité.

Le droit qu'il applique a pour lui la légitimité de la morale universelle, certes, mais aussi la force militaire des vainqueurs. Il est dissout en octobre 1946.

Il réapparaît en 1993 avec ce fameux tribunal pénal international pour la Yougoslavie, chargé de juger les crimes commis au moment de l'éclatement de la Yougoslavie.

Il achève bientôt sa mission après avoir jugé les criminels de guerre serbes, croates et bosniaques.

Il ne faut pas le confondre avec la Cour pénale internationale, tribunal permanent qui, depuis 2002, toujours à La Haye, juge tous les crimes de guerre, les crimes contre l'Humanité, les génocides.

Le traité qui le fonde n'a été ratifié ni par les États-Unis, ni par la Russie, ni par la Chine, ni par l'Inde, qui, par conséquent, ne reconnaissent pas sa compétence.

Justice inégale, donc, selon que vous serez puissant ou misérable, car la justice internationale n'a pas de moyen de contrainte autre que ceux que les États veulent bien mettre en œuvre.

Déjà, les grandes puissances manquent à l'appel, et maintenant, l'Afrique menace de se retirer parce qu'elle juge cette justice inéquitable, partiale.

En 2009, par exemple, la cour a lancé un mandat d'arrêt contre le chef de l'État soudanais Omar Al Bashir, pour les crimes de génocide commis au Darfour et au Sud Soudan.

Aucun pays d'Afrique, pourtant signataires des traités, n'a accepté d'exécuter ce mandat et Al Bashir se promène librement sur tout le continent.

Il en va de la justice internationale comme de la fameuse compétence universelle que se sont arrogés les juges dans certains pays pour poursuivre et juger les délits et les crimes commis dans d'autres pays.

Elle se heurte au hiatus entre une sorte de droit universel, celui des droits de l'Homme, et le principe d'indépendance nationale et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

Elle se heurte aussi à un principe de réalité qui n'est pas moins moral que le droit international. L'existence de cette justice pénale supranationale interdit en effet que l'on puisse négocier le retrait d'un tyran, l'arrêt des massacres ou des combats, en offrant des garanties aux criminels pour que le sang arrête de couler.

La Justice ne connaît pas ce genre de marchandages qui, pourtant, dans l'Histoire, ont sauvé, sans gloire certes, bien des vies.

La justice pénale a pour elle la morale du châtiment, mais elle a contre elle de pousser au jusqu'au boutisme tous les criminels de guerre, les génocidaires, qui savent qu'aucune garantie ne vaudra et qu'ils seront traqués jusqu'à la fin de leurs jours.

Que la justice universelle n'empêche pas le crime, mais contribue à l'aggraver, serait un paradoxe sur lequel il serait bon de méditer.

Le Droit n'est pas plus absolu que la démocratie ou la morale. Prochain défi pour la justice internationale : la Syrie.

C'est un problème épineux parce que si la justice internationale va au bout de sa logique, elle va poursuivre et condamner le régime syrien, en particulier Bachar al Assad, mais ce faisant, elle rend beaucoup plus difficile de trouver un accord pour permettre de sortir de l'état de guerre actuel qui règne en Syrie. Le dilemme est donc extrêmement fort et grave pour la justice internationale.

Écoutez la chronique d'Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio, présenté par Patrick Roger et Sophie Gaillard

 

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