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Les élections en Autriche montrent qu’en 17 ans, l’Europe a bien changé

Le résultat des élections législatives anticipées de ce week-end en Autriche devrait faire entrer l’extrême-droite nationaliste au gouvernement. En 2000, l’Union européenne avait fait part de son inquiétude face à cette éventualité. Cette fois, silence radio.

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Il y a 17 ans, en janvier 2000, le journal Le Monde titrait : "Autriche : l’Europe contre Jörg Haider". Ce dernier était alors le chef du parti nationaliste autrichien, le FPÖ, sur le point d’entrer au gouvernement autrichien. L’Europe, scandalisée, s’apprêtait à prendre des sanctions contre Vienne. Sanctions effectivement appliquées puis levées dès le mois de septembre 2000 à la suite d’un rapport rédigé par trois sages désignés par l’Union européenne, qui écrivaient avec beaucoup de bon sens : "Nous pensons que les mesures adoptées, si elles ne cessent pas, vont devenir nuisibles. Elles sont déjà à l’origine de sentiments nationalistes dans le pays pour avoir été interprétées incorrectement dans certains cas comme des sanctions contre les citoyens autrichiens".

Dix-sept ans après et selon toute probabilité, ce même parti va entrer dans la coalition gouvernemental du jeune dirigeant du parti conservateur, Sebastian Kurz, qui sera le plus jeune chef de gouvernement d’Europe à 31 ans. Ce dernier a provoqué des élections législatives anticipées dans lesquelles son parti est arrivé en tête dimanche après avoir rompu la grande coalition des conservateurs et des socio-démocrates qui gouvernait l’Autriche sur le modèle de la grande coalition allemande. Cette fois-ci, personne n’a protesté en Europe car celle-ci, en 17 ans, a bien changé, en particulier sur les questions migratoires et identitaires, qui ont été au cœur de la campagne électorale autrichienne où les conservateurs ont défendu des positions – sur ces sujets – proches des nationalistes souvent classés à l’extrême-droite.

Tous les pays européens sont confrontés à la radicalisation de leur opinion publique sur ces sujets. Ce fut le facteur décisif du Brexit, c’est la principale cause de la force du Front national en France, c’est la cause des déconvenues de Mme Merkel en Allemagne, c’est la cause de la difficulté à dégager des majorités stables aux Pays-Bas, c’est le terreau électoral du parti de M. Orban en Hongrie, etc. Gardons à l’esprit qu’en Pologne, ce qu’on appelle l’extrême-droite est à 30%. Elle est à plus de 20% dans des pays comme le Danemark ou la Finlande. Pour pouvoir former sa coalition, Mme Merkel elle-même ne vient-elle pas d’être forcée de déclarer il y a quelques jours à peine qu’elle acceptait de limiter le nombre des réfugiés accueillis en Allemagne ?

Pour expliquer cette poussée des extrêmes, il y a bien sûr la mondialisation, la crise économique, les inégalités et le chômage, mais l’immigration et l’identité ne sont jamais bien loin. Toutes les insécurités se cumulent et il y a une peur de perdre tout ce que l’on a, surtout dans les sociétés vieillissantes. Moquer ou stigmatiser cette peur ne sert à rien, sinon à aggraver les choses. Il faut la prendre au sérieux. La politique se fait à partir des réalités, c’était la recommandation de ce rapport des sages sur l’Autriche en 2000, et en occultant le sentiment national, on l’a exacerbé. Il faut surtout arrêter de parler de droitisation et d’extrême-droitisation à tout bout de champ. C’est parfois exact. Aux Pays-Bas, c’est vraiment l’extrême-droite qui pointe son nez, en Allemagne c’est la partie la plus radicale de l’AfD qui a fini par prendre le dessus. Mais c’est parfois inapproprié et ça ne fait qu’attiser des tensions qui sont au-delà de ces étiquettes.

Il faut parler de radicalisation, de raidissement, et se donner les moyens de répondre au sentiment de désaisissement ou d’expropriation qu’éprouvent de plus en plus d’Européens, même dans des pays habitués à une grande ouverture et à un grand brassage.

Entre les dérapages incontrôlés de Donald Trump d’un côté et le 19ème congrès du Parti communiste chinois de l’autre, l’Europe ne gardera sa place dans le monde que si elle se bat pour cela, et d’abord en défendant ses nations.

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