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En Irak, le calvaire des Yézidis qui retrouvent leurs enfants embrigadés par Daesh

Par Benjamin Jeanjean

Invité du Grand Matin Sud Radio ce jeudi, le père Patrick Desbois, fondateur d’Action Yazidis et co-auteur de La fabrique des terroristes avec Nastasie Costel, raconte ses entretiens avec des dizaines d’enfants embrigadés par l’État Islamique qui reviennent aujourd’hui dans leurs familles.

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Minorité particulièrement ciblée par l’État Islamique depuis son avènement, les Yézidis continuent aujourd’hui de payer un lourd tribut à la guerre syro-irakienne. Alors que de nombreux enfants de cette communauté ont été enlevés et embrigadés par l’organisation terroriste, certains reviennent aujourd’hui dans leurs familles. Un retour scruté de près par le Père Patrick Desbois, co-auteur de La fabrique des terroristes avec Nastasie Costel et invité du Grand Matin Sud Radio ce jeudi, en direct de Duhok (Kurdistan irakien).

"Il m’a fait cette réponse incroyable : "On m’avait changé le cerveau""

"Nous avons interviewé dans les camps de réfugiés plus de 150 personnes yézidis qui viennent juste d’être relâchées par Daesh, ou plutôt qui ont été revendues aux familles (15 000 dollars pour un garçon, 25 000 dollars pour une fille). Parmi ces personnes, une vingtaine de jeunes garçons et jeunes filles ont été convertis de force à l’islam et emmenés dans des camps d’entraînement de terroristes. On les spécialise dans trois catégories : soit pour attaquer des maisons avec des kalachnikovs, soit pour poser des bombes, soit pour devenir kamikaze. (…) Un garçon m’a dit qu’il s’était porté volontaire pour être kamikaze. Quand je lui ai demandé pourquoi, il m’a fait cette réponse incroyable : "On m’avait changé le cerveau"", explique-t-il d’emblée.

Embrigadement des enfants, camps d’entraînement, chantage affectif, drogue quotidienne… L’État Islamique multiplie les moyens pour faire de tous ces enfants la relève des jihadistes actuels, qui se savent en voie d’extinction à Mossoul ou à Raqqa. "Il y a clairement la volonté de les envoyer à droite à gauche. Les meilleurs sont envoyés à l’étranger. (…) Nous ne rencontrons pour le moment que des enfants yézidis, mais ils sont en lien avec d’autres enfants. L’un d’eux m’a dit que ses deux meilleurs copains étaient deux jeunes Français rencontrés au jardin d’enfants de Daesh à Raqqa. Il continue à converser avec eux par Internet", assure Patrick Desbois.

"Ils ne veulent même plus toucher physiquement leur mère, qu’ils traitent de mécréante"

Au-delà de la douleur de la séparation, le plus dur pour ces familles est peut-être, paradoxalement, les retrouvailles avec leurs enfants. Des enfants qu’ils retrouvent bien souvent totalement changés. "Les parents sont affolés car ils ont payé pour libérer leur enfant, et cet enfant les traite de mécréants, les insulte, se croit musulman… J’ai vu un enfant kurde qui ne parlait plus kurde mais uniquement arabe. Pour les parents, c’est dramatique. Certains enfants ont par ailleurs été impliqués dans des peines de mort. Dans une famille, un garçon a été obligé de planter un couteau dans la jambe d’un homme condamné à mort. Un autre garçon de la famille lui a planté un couteau dans le bras et la fille a arraché les deux yeux de l’homme. Les trois enfants aujourd’hui sont assez violents, brûlent des toiles de tente et ne veulent même plus toucher physiquement leur mère, qu’ils traitent de mécréante", décrit-il.

Retrouvez ici l’intégralité du témoignage de Patrick Desbois dans le Grand Matin Sud Radio :

 

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