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À tout accuser de motivations racistes, on va finir par banaliser le véritable racisme

On a tendance à banaliser le racisme à dénoncer comme racistes des comportements qui ne relèvent absolument pas des mêmes motivations.

 

Le syndicat SUD Education alimente la polémique avec ses deux ateliers de formation organisés en non-mixité raciale.

La violence de la polémique à laquelle le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer vient légitimement de se mêler, puisqu’il s’agit d’enseignants qui parlent à des enseignants, montre à quel point la question raciale hante notre société.

Les statistiques sur les incidents ou les crimes inspirés par le racisme ne veulent pas dire grand-chose. Mais la capacité du sujet à enflammer les passions, par contre, est de plus en plus symptomatique de l’état de notre société. Les sociétés malades, celles qui se sentent plus vulnérables, qui sont travaillées par une angoisse existentielle, ont toujours le réflexe du bouc-émissaire, chargé de tous les pêchés du monde et cause de tous les malheurs.

Le racisme est de toutes les époques et de tous les continents, sous des formes différentes. Mais aujourd’hui, quand nous pensons au racisme, nous ne pouvons pas nous détacher de l’empreinte de la solution finale. Nous ne pouvons plus ignorer jusqu’où peut conduire le racisme, mais il faut s’entendre sur le sens des mots, ce qui n’est pas toujours le cas.

Le racisme, disait Levi Strauss, est ‘une doctrine qui prétend voir dans les caractères intellectuels et moraux attachés à un groupe d’individus l’effet nécessaire d’un commun patrimoine génétique’.

Mais il ajoutait : ‘On ne saurait ranger sous la même rubrique, ou imputer automatiquement aux mêmes préjugés, l’attitude d’individus ou de groupes que leur fidélité à certaines valeurs rend partiellement ou totalement insensibles à d’autres valeurs’.

Il n’est nullement coupable, disait-il, de placer une manière de vivre ou de la penser au-dessus de toutes les autres.

On n’est donc pas automatiquement raciste lorsqu’on récuse le multiculturalisme ou qu’on préfère sa culture à celle des autres.

On a tendance à banaliser le racisme à dénoncer comme racistes des comportements qui ne relèvent absolument pas des mêmes motivations.

Si tout attachement à une culture, à une identité que l’on cherche à préserver est qualifiée de raciste, alors beaucoup de monde va finir par se sentir raciste et le poison du véritable racisme, de la supériorité biologique de certains groupes sur d’autres, se répandra avec d’autant plus de facilité.

Quand on choisit de mélanger une règle de non-mixité raciale avec ce commentaire qu’une des animatrices de ces ateliers fait à un journaliste de l’Obs, qui parle des enseignants, qui ont un statut précaire et n’ont pas la nationalité française ou sont descendants de l’immigration, on voit bien l’on parle de choses qui n’ont rien à voir entre elles et que ce mélange banalise à outrance la notion de racisme, qui n’a rien à voir avec la nationalité, concept juridique, ni avec l’immigration en elle-même, ne serait-ce que parce que la France est depuis des siècles et des siècles une terre d’immigration et que la plupart des Français, si on remonte assez loin dans l’Histoire, en sont issus.

Il faut d’abord éviter de discriminer sur des critères d’apparence physique ou d’origine, car que fait-on d’autre avec la non-mixité raciale ?

On ne peut pas dire d’un côté qu’il n’y a pas de race et de l’autre en faire, pour quelque finalité que ce soit, un critère de tri ou de discrimination, fut-elle positive.

Ensuite, il y a plusieurs façons de combattre le préjugé raciste. Je préfère la manière de Senghor ou de Césaire, avec la négritude, poètes, mais aussi hommes politiques tous les deux, à celle de ceux qui veulent débaptiser les lycées Colbert.

Enfin, arrêter de récuser l’assimilation républicaine au motif qu’elle serait raciste et parce qu’il est ‘temps de considérer les élèves avec leur passé et leur histoire’. Personne ne veut le leur enlever. Simplement, quand on pense que la société multiculturaliste est porteuse et tensions et, à la fin, de racisme, on ne s’occupe pas de l’origine des élites, on ne nourrit pas la guerre des mémoires, on fait partager une autre histoire, une autre culture, celle au nom de laquelle nous voulons vivre ensemble.

Cela clarifié, alors on peut combattre férocement le véritable racisme dont, encore une fois, nous savons désormais à quelles monstruosités il peut conduire. Encore faudrait-il aussi avoir le courage de faire étudier partout, dans toutes les écoles, toutes les classes et tous les quartiers, la Shoah. Et quand on est enseignant, on a plus que d’autres ce devoir de rigueur.

Écoutez la chronique d'Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio, présenté par Patrick Roger et Sophie Gaillard

 

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