On est toujours surpris du barnum qui accompagne un président américain. Il ne voyage pas léger, avec les gros bataillons du Secret Service, les monstrueuses limousines blindées, l’hôpital de campagne, les transmissions… On a vu ça mille fois au cinéma, et ça marche toujours ! Ça épate ses hôtes, ils regardent Air Force One avec envie, et c’est d’ailleurs comme ça que la France en crise s’est offert un nouvel Airbus présidentiel, aussi rebaptisé Air Sarko One.
Être à la hauteur, c’est aussi très important quand on se tient au sommet de l’Olympe. Les puissants y mettent beaucoup d’énergie et tentent d’être dignes de l’héritage. En France, le sacrifice des poilus, leur héroïsme, l’absurdité de ce suicide collectif des empires européens… Tout cela pèse lourd. Emmanuel Macron sera demain le successeur de Clemenceau dans la tribune de la Concorde. Et dans le command car qui descend de l’Étoile, le pied ! Pas autant que l’hélitreuillage depuis le sous-marin, mais quel pied quand même ! Il sera le commandant en chef, tout comme Joffre, Foch, Pétain, au défilé de la victoire en 1919.
Les troupes défilent sur les Champs-Élysées depuis la Grande Guerre. C’est devenu une tradition, c’est vrai, mais ce n’est pas normal du tout. Nous sommes le seul pays d’Europe, la seule démocratie en paix, à organiser encore une parade annuelle. Ailleurs, ce sont les tyrans qui font défiler leurs troupes. L’Iran a un jour des armées, Moscou a la parade de la victoire sur la place Rouge, la Chine fait ça tous les cinq ans, et les Nord-Coréens tous les six mois. On trouve aussi Cuba et le Venezuela chaviste, avec le peuple en armes le jour de la révolution. Je mets à part les Israéliens qui sont toujours à part, et qui sont en guerre. Et tous ces pays ont des armées de conscrits ! Le défilé annuel d’une armée professionnelle dans un pays démocratique, c’est une exception française absolue, comme les ampoules à baïonnettes et le sucre en morceaux.
Ça va beaucoup lui plaire à Donald Trump. D’abord parce qu’il adore les uniformes. Les F16 au-dessus de la Concorde, ce sera glorious. Et surtout ça va le conforter dans un préjugé très américain : à savoir que les Français sont des gens superficiels et un peu prétentieux. Mobiliser des milliers d’hommes pendant des semaines alors que le pays est en état d’urgence et que l’armée patrouille toute l’année dans les rues a quelque chose d’entêté et même d’un peu absurde. Surtout quand le gouvernement vient d’annoncer de telles coupes budgétaires, qu’il n’y a officiellement plus de quoi boucler l’exercice ni même payer les primes pour vigipirate. On peut se mettre en marche, ça ne veut pas dire qu’il faille obligatoirement se mettre au pas.
Réécoutez ici l’édito politique de Vincent Hervouët lors du Grand Matin Sud Radio