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"La philo au bac ? Si on met moins de 5/20 à l'écrit, il faut faire un rapport..."

Par Benjamin Jeanjean

Professeur de philosophie à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), Emmanuel Jaffelin était l’invité du 18h Sud Radio ce lundi pour évoquer l’épreuve de philosophie au baccalauréat.

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Près de 757 000 lycéens ont planché ce matin sur la vérité, le désir, la culture ou la liberté, thèmes une fois de plus au cœur des différentes épreuves de philosophie, matière lançant traditionnellement la période du baccalauréat en France. Le philosophe et professeur de philosophie Emmanuel Jaffelin était l’invité du 18h Sud Radio ce lundi pour évoquer cette épreuve emblématique de la scolarité à la française. Et pour lui, le simple fait de lui demander si les sujets de cette année étaient difficiles est déjà assez révélateur.

"Quand vous vous demandez si c’est difficile, vous pensez peut-être qu’il faudrait que ce soit facile, alors que Heidegger, qui était un grand philosophe allemand malgré toutes ses tares, disait que ce n’est pas le chemin qui est difficile, c’est le difficile qui est chemin. C’est donc important qu’un sujet soit difficile ! Ce qui fait la difficulté, c’est de prendre le jeu des mots, arriver à jouer avec les mots, construire une réflexion, définir les termes, trouver un paradoxe, et surtout, dégager un problème. La grande distinction entre les mathématiques et la philosophie, c’est qu’en mathématiques on vous donne un problème qu’il faut résoudre, alors qu’en philosophie, quand on vous pose une question, il faut chercher le problème en amont de la question pour pouvoir y répondre", explique-t-il.

"C’était beaucoup plus sélectif il y a quelques années"

Si la correction des copies de philosophie au baccalauréat a longtemps été l’objet de fantasmes sur son caractère aléatoire, Emmanuel Jaffelin rappelle quelques faits. "Ça a beaucoup changé pour plusieurs raisons. La première, c’est que le niveau baisse, on amène plus de gens en terminale avec beaucoup moins de sélection. Dans les autres matières, il y a des règles très peu discriminantes qui permettent de valoriser l’individu à chaque fois qu’il respire et qu’il écrit trois mots. En philosophie, c’était beaucoup plus sélectif il y a quelques années mais maintenant, nous avons une règle qui stipule que si nous mettons moins de 5/20 à l’écrit, nous devons faire un rapport. Donc si vous êtes un peu lucides, si vous êtes déjà un peu en vacances au mois de juillet et que vous n’avez pas envie de faire un rapport, vous mettez plus de 5 ! On remonte donc déjà les notes par ce biais artificiel qui est politique, avec une idéologie derrière. Une autre raison plus intelligente, c’est que les collègues de philo se retrouvent deux fois avant de remettre les copies corrigées pour discuter des types de réponses qui posent problème. On tombe d’accord et au fond, il y a un grand consensus. Aujourd’hui, honnêtement, si vous écrivez en français sans faire trop de fautes, si vous théorisez un peu, définissez les termes et construisez un argumentaire, vous êtes très très vite au-dessus de 13", assure-t-il.

Enfin, le philosophe voit plus loin que le seul baccalauréat et déplore la manière dont est perçue aujourd’hui la philosophie. "Il faut réforme l’enseignement de la philosophie. En France, que ce soit dans le secondaire ou à l’université, la philosophie est strictement intellectuelle. Elle a pourtant un autre but depuis l’Antiquité quand elle est apparue : la sagesse. Et ce serait très fort si on pouvait, en plus d’une épreuve de bac littéraire et écrite, faire quelque chose qui conduise les Français à être des sages", préconise-t-il.

Réécoutez en podcast toute l’interview d’Emmanuel Jaffelin dans le 18h Sud Radio

 

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