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Emmanuel Macron veut célébrer Mai 68 : faut-il en rire ou en pleurer ?

L’approche du 50e anniversaire des événements de mai 68 devrait faire ressurgir un vieux débat de la politique française : faut-il célébrer ou liquider l’héritage de Mai 68 ?

Le liquider, disait Nicolas Sarkozy en 2007. Les soixante-huitards avaient hurlé. Aujourd’hui, l’Élysée alimente la rumeur d’une célébration officielle du 50e anniversaire l’an prochain, célébration qui mêlerait les révoltes étudiantes, les mouvements contre la guerre du Vietnam aux États-Unis, peace and love et les drogues, et le printemps de Prague. On ne sait pas s’il faut en rire ou en pleurer. Certes, ça aurait le mérite de faire se souvenir des exploits de leur jeunesse tous les héros des barricades du quartier latin qui jouèrent à la révolution en poussant le cri peut-être le plus bête de l’histoire de France : "CRS = SS". Leurs parents avaient sans doute oublié de leur raconter ce qu’était vraiment un SS.

Mai 68 un événement marquant de notre Histoire ? Un peu moins quand même que la Seconde Guerre mondiale et la victoire sur le nazisme, l’appel du 18 juin ou encore l’Armistice de 1918 dont nous célébrerons l’an prochain le 100e anniversaire en même temps que l’anniversaire de la Constitution de la Ve République, sous l’empire de laquelle nous vivons encore.

Quant à mélanger l’occupation de la Sorbonne par une jeunesse qui ne prenait pas un grand risque en jetant des pavés sur les forces de l’ordre avec le peuple tchèque qui se soulevait contre le totalitarisme qui lui envoya les chars du Pacte de Varsovie, il faut oser ! Mais maintenant on ose tout. Après tout, il est vrai que Mai 68 est passé par là.

Que va-t-on célébrer au juste ? Sans doute pas les grévistes qui voulaient des augmentations de salaire, ni l’ultra-gauche qui voulait casser du flic et détruire l’État ! Les slogans du genre "Il est interdit d’interdire", "jouir sans entrave", "sous les pavés, la plage" ? Le relativisme qui affirmait que tout se vaut ? Le nihilisme qui proclamait que rien ne vaut rien ? L’émancipation par rapport à la famille, comme si la jeunesse de toutes les époques avait attendu pour ça la crise d’adolescence tardive des enfants gâtés des Trente Glorieuses ? Alors quoi ? La libération sexuelle ? Mais la France des années 60 n’était pas un monastère, et se dénuder sur une barricade n’est pas une révolution culturelle. Les libertés individuelles ? Mais la France ne vivait pas dans une dictature, et le général De Gaulle avait déjà sauvé deux fois ces libertés individuelles. Quoi encore ? Le ridicule des politiciens de gauche qui se voyaient déjà à Charléty prendre le pouvoir quand l’ultra-gauche les aurait débarrassé de De Gaulle et de Pompidou ? L’individualisme forcené ? La négation de toute autorité, de toute hiérarchie, de toute norme morale, de toute transmission ? On voit où ça nous a mené… Rendez-vous compte que l’un des premiers effets de Mai 68 a été à l’époque la suppression des notes pour ne pas traumatiser les mauvais élèves. Il fallait alors tordre le cou à l’élitisme républicain, et c’est comme ça que lentement mais sûrement, on a détruit l’école de la République.

Il faut toujours prendre l’Histoire là où elle en est. Mai 68 fait partie de la nôtre et on ne la refera pas. De toutes façons, il y aura des émissions, des livres, etc. Mais tenir pour exemplaire ce qu’a fait et dit cette génération, c’est un choix politique lourd de conséquences. Cela signifie qu’on va inscrire toute la politique à venir dans cette voie, qu’elle sera gouvernée par ces idées. C’est d’ailleurs paradoxal de la part d’un Président qui a très bien analysé la crise de l’autorité et la nécessité de retrouver de la verticalité. C’est inquiétant car le nihilisme moral et l’individualisme exacerbé n’ont pas fabriqué que les bobos, ils ont aussi fabriqué ce monde gouverné par le cynisme, la cupidité et l’égoïsme qui se cache derrière le moralisme des Droits de l’Homme. Voilà ce que nous lèguent les soixante-huitards. Nous ne sommes pas obligés d’accepter ce legs tel quel, encore moins de nous en réjouir. Les poilus de 14-18, les Français libres et les Résistants nous ont laissé quand même des valeurs bien plus exemplaires.

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