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Sarkozy mis en examen : le procès judiciaire de la politique étrangère est dangereux

À travers la mise en examen de Nicolas Sarkozy, on est en train de faire le procès judiciaire de la politique étrangère de la France en Libye.

 

Hier soir, nous avons assisté à un moment humainement fort, avec beaucoup d’émotion. Nicolas Sarkozy défend son honneur, chacun en pensera ce qu’il veut. Au-delà de la personne, de cette émotion, de cette dimension humaine, il y a des leçons à tirer de tout cela pour tout le monde, car ce qui se passe concerne tous les citoyens et concerne le fonctionnement de notre démocratie.

Il y a une tentation, dans cette affaire, à juger non seulement l’homme, ses collaborateurs, mais aussi à mettre à la fois la politique en procès, le monde politique en procès, et, peut-être plus important encore, la politique tout court, en l’occurrence la politique étrangère.

On est en train de glisser du procès judiciaire d’éventuels actes illicites vers la judiciarisation de la politique étrangère. On est en train de glisser vers le procès judiciaire de la politique étrangère et ça, c’est quelque chose de tout à fait étonnant et dangereux, pour tout le monde.

On est en train d’expliquer qu’au fond, ce qu’a fait Nicolas Sarkozy en politique étrangère était dicté par des motifs peu avouables, en l’occurrence des financements de campagne, que les relations de la France avec la Libye seraient dictées par des motifs qui n’auraient rien à voir avec l’intérêt national.

Et ça, c’est extrêmement dangereux. On a mis des siècles à se débarrasser de la judiciarisation de la politique. Il n’existait pas auparavant de responsabilité politique. Donc on réglait les problèmes par la responsabilité juridique, judiciaire.

Un exemple bien connu : on raconte que, dans l’Athènes du Ve siècle, du temps où Périclès dirigeait la ville, il avait commandé une statue qui est restée célèbre dans l’Antiquité, à Phidias, le plus grand sculpteur de l’Antiquité, statue disparue aujourd’hui d’Athéna pour mettre dans le Parthénon, en or et en ivoire. Et ses adversaires, pour essayer d’atteindre Périclès, avaient accusé Phidias d’avoir détourné une partie de l’or. On a donc démonté toutes les plaques pour les peser et voir s’il n’y avait pas quelques grammes d’or qui avaient disparu.

On peut aussi prendre l’exemple de la démocratie athénienne, qui est morte de la judiciarisation et des contentieux. Rome, c’est la même chose. À chaque fois que quelqu’un sortait d’un poste prestigieux, on lui faisait un procès. Ce procès servait de substitut à une responsabilité politique qui n’existait pas. Rome est morte de cette justice appliquée à la politique pour résoudre les problèmes politiques.

Aujourd’hui, on est en train de suivre une voie un peu semblable. Dans l’histoire Kadhafi, comme d’autres histoires dont on pourrait parler, comme celle du fameux arbitrage dans l’affaire Tapie, il y a deux choses à juger : l’affaire elle-même, est-ce que quelqu’un a triché, a touché de l’argent, a été corrompu ou est-ce qu’on juge de l’opportunité politique de choisir la voie arbitrale ? Ce n’est pas du tout la même chose.

Et là, on touche à la politique étrangère. Et la politique étrangère ne se fait pas dans la naïveté. Elle se mène dans un monde qui est impitoyable, où les règles du jeu ne sont pas du tout définies. Il faut faire très attention à ne pas se laisser corrompre par ce sentiment d’impunité, de toute puissance, dans un domaine qui, par nature, n’est pas régulé, qui est celui des services secrets, des intermédiaires… Mais pour défendre les intérêts de son pays, il faut évoluer dans ce monde-là avec les principes qui le guident, ce qui est, en réalité, une absence de principes.

On est en train de voir aujourd’hui M. Trump fomenter quelque chose de bizarre, en train de s’entourer de faucons, de gens extrêmes, dans une drôle d’alliance avec Israël, l’Arabie Saoudite, contre l’Iran, contre la Corée du Nord.

On voit bien que tout ça relève exclusivement de la politique, ça ne relève pas de la justice. Faire le procès politique de la politique étrangère de la France en Libye, c’est très bien, c’est légitime.

Faire le procès judiciaire de sa politique étrangère en Libye, c’est la fin de toute forme de démocratie.

Écoutez la chronique d'Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio, présenté par Patrick Roger et Sophie Gaillard

 

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