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Réforme de la justice : le mal sera fait si ce texte aboutit

Le projet de réforme de la justice voulu par Emmanuel Macron porte en soi un changement politique et démocratique majeur qui ne devrait pas être entériné à la va-vite au Parlement.

Illustration palais de justice

Hier, lors de la rentrée solennelle de la Cour de Cassation, Emmanuel Macron a parlé de sa future réforme de la justice. Une réforme dont on n’a pas beaucoup parlé, qui n’a l’air de rien, mais qui est en réalité très importante. Il faut savoir qu’une sourde lutte de pouvoir se trame depuis des décennies, en France mais aussi en Europe et dans toutes les démocraties, entre le judiciaire d’un côté et l’exécutif et le législatif de l’autre. Cette lutte n’est pas sans rappeler celle des Parlements de l’Ancien Régime, qui voulaient prendre une partie du pouvoir exécutif. La justice veut aujourd’hui être un pouvoir, un vrai pouvoir, et a même parfois la tentation d’être LE pouvoir. La démocratie par le droit, et non plus le droit par la démocratie, on en a déjà parlé ici. C’est l’instrumentalisation permanente de l’indépendance de la justice. Mais le juge n’est pas un justicier et la justice n’a au fond qu’un seul rôle dans la société : éviter le cercle de la vengeance et éviter que chacun se fasse justice lui-même. Juger en toute indépendance, ce n’est pas juger selon son idéologie ou ses caprices, c’est juger selon sa conscience. 

L’histoire de cette réforme de la justice, c’est ce vieux serpent de mer de l’indépendance du parquet. Il existe deux catégories de magistrats : ceux du siège, plus indépendants, qui jugent, et ceux du parquet, qui poursuivent. Emmanuel Macron assure que le parquet doit rester lié à l’exécutif, selon les principes républicains. Mais comme nous sommes sur l’empire du en-même-temps, il rajoute aussitôt que c’est le Conseil Supérieur Magistrature qui va choisir de manière impérative et sanctionner lui-même d’éventuelles fautes des membres du parquet. Derrière l’apparence, le mal sera fait si cette réforme aboutit.

Dans aucune grande démocratie, les juges – et même ceux du siège – ne sont choisis par quelqu’un d’autre que le pouvoir exécutif ou législatif ! Aux États-Unis, les juges fédérés sont élus mais les juges fédéraux sont nommés par le président des États-Unis avec l’accord du Congrès. En Grande-Bretagne, c’est une commission indépendante qui propose, et le ministre peut accepter ou refuser, auquel cas la commission fait d’autres propositions. En Allemagne, c’est aussi un choix ratifié par le politique. C’est normal : le pouvoir démocratique appartient d’abord à ceux qui ont la légitimité électorale.

Ce serait donc un changement majeur, même si on ne modifie pas la composition du CSM, dominée par les magistrats. En France, paradoxalement, la justice n’est pas un pouvoir mais une autorité. Mais le pouvoir en France est tenu encore plus en lisière de l’institution judiciaire. Le résultat, c’est qu’il n’y aura plus à la fin de politique pénale, et de politique tout court. Une marche de plus vers la dépolitisation de la société et de la démocratie. Le problème posé n’est pas celui de la manipulation de la justice par le politique, mais celui du rapport entre les institutions.

Quand on élit des gens pour exercer le pouvoir démocratiquement, on leur fait confiance et ils sont ensuite jugés par le peuple si besoin. Il faut se méfier d’une défiance beaucoup trop grande vis-à-vis du pouvoir politique, sinon, il n’y a plus de démocratie et de gouvernement possible. Cette réforme est donc un choix politique majeur qui devrait faire l’objet d’un référendum et non pas d’un débat en catimini au Parlement.

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