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Abdelaziz Bouteflika au musée Grévin

On prend le bateau pour passer de l’autre côté de la Méditerranée, en Algérie, où le président Abdelaziz Bouteflika est dans un état valétudinaire.

 

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Il faut vivre dangereusement. Et parler de l'Algérie, c'est courir des risques, toujours. Si j'ai bien compris Emmanuel Macron est en recul dans les sondages, il a perdu à Alger sa place de champion du monde présidentiel. Et il a perdu peut-être davantage encore, une forme de crédibilité en tant qu'homme d'état. Comme il s'est aventuré sur le terrain de l'histoire ou de la morale dans un pays où l'histoire est tragique et où seuls les hypocrites en tirent une morale. Ce n'est pas facile de parler de l'Algérie. Peu de journalistes et de politiciens français l'ont fait impunément. Ce n'est pas un pays baigné de soleil, mais un pays martyr, inondé de sang. Ce n'est pas un coin pour les touristes qui viennent voir Les filles de mon pays. D'ailleurs, depuis l'indépendance il n'y a plus de tourisme et les filles cela fait longtemps qu'elles sont voilées.

Alors, il faut faire doublement attention lorsque l'on parle d'Abdelaziz Bouteflika. Sa santé, c'est secret d'état et secret médical. Un secret puissant, dans un pays où les services du même nom sont capables de tout. Chacun sait que le régime est opaque, avec des généraux en coulisse, mais c'est quand même le seul pays au monde qui ait mis un figurant en vitrine, qui ressemble à une statue du musée Grévin. Même le nouveau président, Donald Trump, quant il est dans le bureau ovale, il bouge, signe des papiers et joue au président. Même le vétéran absolu, Robert Mugabe, qui règne en despote depuis les années 80, sera candidat l'an prochain, il l'a dit hier en fêtant son 93e anniversaire. Même Mugabe fait parfois un discours, il arrive que ce soit le même que l'année d'avant, mais il s'en rend à peine compte et le lit à haute voix. Alors qu'Abdelaziz Bouteflika, lui, est le seul au monde à être élu sans avoir tenu un meeting, sans avoir embrassé un enfant, sans avoir dit trois mots à la télévision…

L'Algérie avec ses côtes, sa terre, son sous-sol, sa démographie, devrait être le pays le plus riche de la Méditerranée. Au lieu de ça, le régime maintient en scène un homme handicapé et vit dans le mensonge. Évoquer tout cela, c'est dépasser les bornes. C'est déjà un outrage au peuple algérien, c'est faire une bêtise imprudente, c'est dire une Macronerie, pour ne pas dire une grosse Macronerie. Car, c'est ignorer le poids du ressentiment colonial, la puissance du déni, c'est sous-estimer la passion contrariée que suscite la France. La mauvaise mère, cette haine inoculée dès l'enfance avec le bourrage de crâne à l'école, cette haine cultivée par la génération de Bouteflika, qui a échoué dans tous les domaines à peu près, mais qui s'est accrochée au pouvoir en légitimant la guerre de « libération ». Pas d'indépendance ! La guerre de "libération", contre des occupants assimilés aux nazis, des occupants que les Algériens ont chassé par la terreur, mais qu'ils détestaient tellement, qu'ils les ont suivis par millions de ce côté-ci de la Méditerranée, pour vivre difficilement à leur côté et faire souche.

Revenons à Bouteflika, il a décommandé hier son rendez-vous avec Angela Merkel. Officiellement, il a une bronchite aigu. La chancelière a annulé in extremis sa venue à Alger. Elle y venait pour obtenir la même chose qu'elle réclame au Premier ministre Tunisien, que les pays du Maghreb reprennent leurs ressortissants déboutés du droit d'asile en Allemagne. C'est un sujet ultrasensible. L'an dernier, les violeurs de la Saint-Sylvestre à Cologne, qui se sont attaqués en bande aux Allemandes, n'étaient pas des réfugiés, mais des ressortissants du Maghreb. Et le djihadiste qui a lancé un camion sur le marché à Noël à Berlin, était un Tunisien, que Tunis refusait de récupérer, comme des centaines d'autres salafistes.

On découvre dans cette histoire deux petites choses, d'abord les Allemands ont une politique arabe, ce qui n'était plus le cas depuis un siècle, et leur intérêt immédiat dictent la relation avec ces pays, sans rien demander à l'Europe ou à la France. Ils veulent virer 400 000 déboutés du droit d'asile et que cela soit automatique pour ceux appartenant aux anciennes colonies françaises. Quitte à payer Alger, Tunis ou Rabat, comme on a payé trois milliards d'euros les Turques pour qu'ils bouclent leur frontière. Évidemment, c'est se mettre en position de faiblesse, cela permet tous les chantages. Puis cela éclaire d'un jour tout à fait nouveau la bronchite d'Abdelaziz Bouteflika. Si le président algérien est incapable de se montrer en public, s'il n'est plus possible de faire semblant, comme l'on fait Hollande et Valls, alors l'heure de vérité sonne. Et la vérité, c'est très dangereux, c'est révolutionnaire, cela fait peur, en Algérie, en France aussi. Et à juste titre ! Une crise à Alger viendrait pulvériser la présidentielle à Paris.

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