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La Catalogne, test majeur pour les États-nations du monde entier

La tension extrême entre Madrid et Barcelone fait figure de test grandeur nature non seulement pour l’Espagne, mais pour tout le système international fondé après la Seconde Guerre mondiale.

Manifestation de Catalans opposés à l'indépendance (©Jorge Guerrero - AFP)

Depuis des semaines, tout le monde savait que cela allait arriver. Depuis que le Parlement catalan avait voté unilatéralement l’organisation d’un référendum d’autodétermination, en violation des pouvoirs qu’il détient de la Constitution espagnole (seule source de sa légitimité et de son existence), l’engrenage était fatal. Arriverait donc l’heure de vérité pour l’Espagne, ce moment où tout rentre dans l’ordre constitutionnel et où force reste à la loi, ou bien où tout bascule, la provocation se muant en violence. Nul ne sait comment sera ce moment et comment s’achèvera-t-il, mais on sait tous qu’il a bien commencé. Mais il n’a pas commencé que pour la Catalogne et pour l’Espagne. C’est en réalité une épreuve de vérité pour toutes les nations et pour la stabilité du monde. C’est aussi une épreuve pour le droit international et ce qu’on appelle la communauté internationale.

C’est toute l’organisation du monde qui s’est progressivement mise en place depuis la Seconde Guerre mondiale qui est concernée. En Catalogne, ce ne sont pas seulement le gouvernement espagnol et les indépendantistes qui s’affrontent, mais bien deux principes sur lesquels repose tant bien que mal le semblant d’ordre international empêchant le chaos de s’installer partout. Ce sont deux principes complémentaires et contradictoires : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et l’intégrité des États, qui figurent tous les deux dans la charte de l’Onu.

La démocratie a besoin d’un cadre. Dans l’ordre international né après la guerre, tel qu’il s’incarne dans l’Onu, ce cadre est celui des nations. Le droit international n’est pas un droit comme les autres car il ne repose pas sur la volonté d’un peuple souverain mondial ni sur le monopole de la contrainte organisée. Exemple très significatif : le président du Soudan Omar el-Béchir a fait l’objet d’un mandat d’arrêt international de la part du Tribunal Pénal International à cause de ce qui se passe au Darfour. Tous les pays de l’Union Africaine ont décidé de ne pas appliquer ce mandat, qui n’a donc aucune force de loi sur le continent africain. Ce sont bien les nations qui, à la fin, décident. Le droit international, ce sont les États qui le font. Ce droit est encadré autant que faire se peut par une sorte de principe de précaution : l’intangibilité des frontières. Intangibilité qui n’est pas absolue mais qui relève de l’exception depuis l’achèvement de la décolonisation. Cet ordre mondial des nations n’est pas parfait, mais c’est celui dans lequel nous vivons, et c’est un moindre mal.

Le cas de la Catalogne est important car il arrive au cœur des démocraties occidentales, qui donnent des leçons de démocratie et de droit à tous les autres. Ensuite, nous sommes au cœur de la contradiction démocratique entre la notion de peuple et la définition du corps électoral. Qui a le droit de s’auto-déterminer ? Les centaines de milliers d’immigrés d’Andalousie en Catalogne auront-ils le droit de décider de l’avenir de celle-ci ? Les Catalans vivant à Madrid auront-ils le droit de participer à l’auto-détermination ? Ce sont des questions extrêmement compliquées à résoudre. Enfin, ce cas est intéressant car les démocraties sont malhabiles à utiliser la force contre elles-mêmes. On a vu les remous dans les opinions pour quelques bousculades occasionnées par des policiers espagnols qui voulaient faire respecter la loi en saisissant les urnes. Que se passera-t-il si les indépendantistes jouent la surenchère de la violence, si deux foules d’un millions de personnes chacune se heurtent dans les rues catalane ? Que fera l’Espagne face à la désobéissance civile ? La démocratie espagnole n’est pas le franquisme. Ce n’est pas du tout la même chose de lutter contre le terrorisme de l’IRA ou de l’ETA et d’imposer l’autorité de l’État dans une société coupée en deux blocs antagonistes.

Bref, si la stratégie de provocation des indépendantistes catalans venaient à avoir le dernier mot parce que les vrais démocrates faisaient marche arrière devant le spectre terrifiant de la guerre civile, l’État-nation démocratique serait nu devant tous ses adversaires. Nul doute que cela donnerait des idées à ces derniers partout dans le monde et que le chaos ne serait pas loin. On a vu les effets de l’indépendance du Kosovo en 2008, décidée contre la Serbie par la communauté internationale. Ce fut la Géorgie, l’Ukraine, la Crimée, etc. Imaginons ce que pourrait donner l’exemple catalan...

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