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Gonzague Saint Bris : "J'ai grandi en admirant plus grand que moi"

Par Jérémy Jeantet

Décédé dans la nuit de lundi à mardi dans un accident de voiture, Gonzague Saint Bris était l'invité de Jacques Pessis dans l'émission Les clefs d'une vie, sur Sud Radio, le 15 mai dernier. L'occasion de revenir sur les dates marquantes de sa vie.

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24 juin 1954, ouverture au public du manoir de Clos-Lucet

"Quand j'ai 6 ans, mon père, Hubert Saint-Bris, héros de la guerre, fils de déporté, ouvre le Clos-Lucet, qui est dans la famille depuis 200 ans, au public.

C’est la maison où François Ier, un roi de 20 ans, invite Leonard de Vinci en France. Les maquettes de Leonard seront déposées au Clos-Lucet pour le grand public. Mon père, au lieu d’ouvrir un château du passé, ouvre un château du futur. Depuis, le Clos-Lucet n’a cessé d’être un château du futur. Ce château était dans ma famille depuis 200 ans. Quand la famille d’Amboise s’est éteinte, il est revenu à ma famille.

Le jour de mes 13 ans, mon père me convoque dans la salle des gardes du Clos-Lucet pour mon anniversaire, le 26 janvier. Il me dit ‘Maintenant, tu as 13 ans, c’est l’âge de la majorité chez les Rois de France. Je t’autorise à aller dormir dans le lit de Léonard, ça te donnera des idées’. Effectivement, ça m'a donné des idées. Il y avait un énorme miroir à droite du lit à baldaquin et là, j’ai vu pour la première fois les vraies couleurs de la Joconde, alors qu'au Louvre, elle est dans une marée verdâtre.

La meilleure des universités, c'est de s'intéresser et de se comparer à plus grand que soi

Pour moi, l’histoire, ce sont des chambres secrètes, des endroits interdits. L'histoire est de caresse et de peau douce. Je n’avais qu’une obsession, la littérature et l’histoire. J’ai lu tous les romans de Balzac à 14 ans. Je lisais tous les romantiques. J’étais passionné par l’histoire.

À l’école, pendant qu’il y avait les sciences naturelles, les histoires de cuisses de grenouilles qui n’étaient pas mon truc, je continuais de lire sur mes genoux des romans que j’adorais. Je me désintéressais des mathématiques, des sciences naturelles, pour n’être que bon en histoire et en français, où j’avais quand même des notes assez remarquables. Ce qui m’amusait, c’était de me lever pour reprendre mes professeurs en disant que ce n’était pas exactement ce qui s’était passé entre Jeanne d’Arc et Charles VII. Je faisais ça avec l’adoption totale de la classe qui était tellement heureuse de voir que les professeurs s’étaient trompés.

J’ai grandi en admirant plus grand que moi. La meilleure des universités, l’école la plus rapide du monde, c’est de s’intéresser et de se comparer à plus grand que soi, de grandir en admirant plus grand que soi.

J’ai une mère extraordinaire et un père fabuleux. Une mère extraordinaire parce qu’elle nous a éduqué dans le défi."

12 janvier 1998, rachat du magazine Femme

"J’ai eu beaucoup de chance dans ma vie, j’ai eu un patron de presse extraordinaire, un grand personnage, qui est toujours là et qui s’appelle Daniel Filipacchi C’est un homme éclectique et complet. Il a été le créateur de Salut Les Copains, de Lui, de Playboy, il a racheté Paris Match. Son père était à l’origine du Livre de Poche qui était une révolution en France. Avoir un patron comme lui qui savait appuyer chez moi sur des touches que je ne connaissais pas, ça a été une éducation formidable.

J'ai trouvé que c'était intéressant de présenter toute la culture à travers les femmes

Je l’ai racheté parce que j’avais fait son succès. Je l’ai fait comme j’avais désiré le faire. J’ai eu le prix de l’OJD de la plus grande progression de vente de journal. Je crois à la souveraineté de la femme et j’ai trouvé que c’était intéressant de présenter toute la culture à travers les femmes et comment elles la percevaient. Personne d'autre que Caroline de Monaco ne parle mieux des biographies de Stephane Zweig.

Nous avons fait des trucs fabuleux. Je me souviens notamment d’une couverture avec Laetitia Casta que j’avais habillée en Napoléon."

27 août 1995, création de La Forêt des Livres

"C'est une date merveilleuse que j’ai aimée et que j’aime toujours, celle de l’événement que j’ai créé, La Forêt des Livres. Tout le monde doit pouvoir accéder à la culture, tout ne doit pas se passer à Paris. Toute la littérature française, les remises de prix, c’est à St Germain des Prés. Non ! Les provinces ont tant donné à la France, tant donné d’écrivains. La Touraine est peut-être encore la province la plus littéraire de France.

Quand on crée un événement et qu’on veut qu’il devienne national, il faut trouver une bonne date. Je me suis renseigné sur ce qui se passait autrefois dans cette forêt, en Touraine. Il y avait une fête où les forestiers, les fermiers, les agriculteurs, se lâchaient en se faisant une fête entre eux, qui s’appelait l’Assemblée. Elle avait toujours lieu le dernier week-end d’août, j’ai pris cette date.

Les Américains ont dit que La Forêt des Livres, c'était le Woodstock de la littérature

La Forêt des Livres, quel est le principe ? Les livres sont issus des arbres. Il fallait que les écrivains reviennent à l’hommage de leurs feuilles. Au début, c’était un truc de copains, avec 35 auteurs et 3000 visiteurs. En 2016, avec Hélène Carrère d’Encausse, Fabrice Luchini, le chanteur Renaud, nous étions 200 auteurs et 70 000 visiteurs en une seule journée. Les Américains ont dit que c’était le Woodstock de la littérature. C’est rare d’obtenir un public de concert pop pour la signature d’un bouquin. Voilà ce que c’est devenu grâce aux 200 bénévoles que je remercie, aux deux personnes qui travaillent à l’année avec moi sur cette forêt des livres qui est gratuite et ouverte à tous, qui montre que la France est un grand pays littéraire. Nous anticipons et découvrons des talents inconnus. Tous les gens aujourd’hui connus ont reçu leur premier prix à la Forêt des Livres. Notre jury à la main verte.

C’est vraiment une réussite populaire et de qualité."

2 mars 2017 Sortie d’un nouveau livre chez XO Déshabillons l’histoire de France

"Je me suis trouvé avec ce livre, après avoir écrit 50 livres, dont 20 biographies, à un moment où j’étais désespéré de voir que l’histoire était désertée. On ne l’enseigne plus assez, on n’en parle plus assez. Je me suis dit que, peut-être qu’à propos des relations du sexe et du pouvoir, certaines anecdotes allaient me permettre de ramener les lectrices et le lecteur dans la continuité de la tapisserie du temps.

Tout ça est parti d’une émotion d’écrivain. Flaubert a dit ‘Un sujet à traiter est comme une femme dont on est amoureux. Quand elle va vous céder, on a peur, on tremble, c’est l’effroi vertueux’. Ma sexualité a été faite par l’amour de l’histoire de France. Ce livre montre aussi bien combien j’aime les femmes que combien j’aime l’histoire de France. La poitrine de Diane de Poitiers ne m’a jamais laissé indifférent.

J’ai voulu raconter l’histoire de France à travers des époques où la sexualité ne correspond pas aux idées qu’on se fait. Je prends l’exemple du Moyen-Âge. Ce n’est pas une époque corsetée, c’est une époque incroyablement libre. Quand un homme était condamné à mort, enfermé à la conciergerie, entre le temps où il quitte la conciergerie et il va sur le lieu de son exécution, si une femme qui le voit passer dit ‘Il me plaît, je le veux, je suis prête à l’épouser’, il aura la grâce. Ceci est véritablement arrivé.

Il y a une autre histoire. Un homme déjà sur le gibet, qui a déjà la corde au cou et une femme s’approche et dit ‘Je veux vous épouser’. L’homme la regarde, la trouve laide et boiteuse, se tourne vers le bourreau et dit ‘Bourreau, fais ton office’.

Ce n'est pas parce que j'aime le passé et l'histoire que je suis un ringard

La Révolution française est une époque hallucinante. Les gens en prison savent qu’ils vont aller à l’échafaud donc tout le monde se met à faire l’amour dans les prisons.

La vision idiote qu’on a du romantisme, de ces espèces de débile sous les fenêtres qui lisent des poèmes, pour moi, ce n’est pas ça le romantisme. Comme le disait Victor Hugo, le romantisme, c’est une force qui va.

Ce n’est pas parce que j’aime le passé et l’histoire que je suis un ringard. Au contraire, je suis un pionnier. J’ai fait le premier clip culturel quand sont arrivées les premières images de synthèses. J’ai fait les premières radios libres. J’ai commencé il y a cinq ans les clips culture drone. J’ai utilisé le drone pour retourner dans le passé. Mon truc, c’est de mettre le futurisme au service de l’éternité. J’ai fait des clips de 2min30 sur Versailles, Chambord, Sauverny. J’ai filmé le palais de l’Élysée. J’ai montré les images pour la personnes qui va être le futur président de la République, ceci filmé par drone. Le drone, Leonard de Vinci l’a rêvé, le XXIe siècle l’a fait. La révolution de l’image, c’est quelque chose de très important. Plus vous avez de la culture, plus vous êtes aptes à discerner les beautés de demain et de les servir. C’est ma vocation d’écrivain, mais aussi de vidéaste. D’homme d’écrits, mais aussi d’homme d’images."

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